anges_de_la_misericorde.jpg, mai 2023
"I don't know whoever said the flesh was weak. I find it very strong."

So Proudly We Hail! fait partie de la cohorte de films de guerre américains réalisés pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est sous certains aspects un film de facture très classique, consacré à l'héroïsme national en temps de crise, mais qui parvient tout de même à susciter un intérêt notable en raison de son positionnement : l'action est entièrement circonscrite aux tumultes subis par un groupe d'infirmières militaires en poste aux Philippines, en 1942. La dimension de drame avec de nombreux échos en direction de la tragédie romantique en fait un film presque décontextualisé de toute propagande politique, malgré le contexte de production (le film est sorti en 1943). On ne voit aucun champ de bataille, aucune séquence liée à la stratégie militaire. Juste des blessés qui arrivent par centaines, des bombardements incessants, et une ambiance chaotique alimentée par les avancées inexorables des troupes japonaises dans la péninsule de Bataan, à l'ouest de la baie de Manille.

Le film n'y fait quasiment pas référence, mais il s'inscrit dans le contexte historique de la marche de la mort de Bataa, un crime de guerre qui eut lieu en avril 1942 durant lequel l'armée impériale japonaise contraignit des dizaines de milliers de prisonniers de guerre philippins et américains à marcher — et mourir, pour beaucoup — sur près de 100 kilomètres.

Si Les Anges de miséricorde adopte la structure du flashback pour expliquer les raisons d'une situation initiale traumatique (en l'occurrence, une infirmière en état de choc cataleptique) depuis un moment relativement calme, il est presque intégralement constitué de situations d'urgence diverses. Encore une fois, il est important de relever qu'il n'est pas vraiment question d'un affrontement au sens militaire classiquement rapporté dans un film de guerre, il n'y a pas de combats entre des gentils GIs et des méchants japonais, chose très notable pour l'époque. Toutes les péripéties sont vécues au travers d'un prisme féminin, avec des femmes certes victimes des circonstances, mais toujours captées comme un drame existentiel et non comme la résultante d'un ennemi bien identifié et diabolisé.

Les trois principales figures sont Claudette Colbert, l'infirmière en chef qui dirige la troupe, Paulette Goddard pour souligner la volonté de ne pas se laisser briser moralement par la situation (un running gag tourne autour de sa chemise de nuit très sexy pour le lieu), et Veronica Lake pour le versant plus dramatique et émotionnellement intense (une scène particulière la montrera sauver ses camarades à l'occasion d'un acte d'une violence assez inouïe pour l'époque). Les infirmières sont montrées comme des femmes particulièrement libres et fortes, conscientes de la situation catastrophique et aux réactions très diverses. Avec une pointe de réalisme fataliste du genre "What is a heroine, anyway? — I don't know. Somebody whose still alive, I guess".

img1.png, mai 2023 img2.png, mai 2023 img3.png, mai 2023 img4.png, mai 2023