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"Stop talking like a Baptist preacher. If I had half the boots been stuck under my bed, I bet I could outfit the United States Cavalry!"

Les Chasseurs de scalps est un drôle de western progressiste, dont la violence supposée par le titre s'effacera en grande partie au profit d'un potentiel comique continu et singulier : une grande partie des péripéties se focalisera sur les étincelles générées par l'association parfois contrainte et forcée de deux personnages que tout oppose à première vue. D'un côté, Burt Lancaster en trappeur raciste sur les bords, dont les agissements semblent principalement motivés par un très lucratif chargement de peaux qui changera de main jusqu'à la fin du film. De l'autre, Ossie Davis en esclave fin lettré, voguant au gré des rapports de domination ambiants, aussi débrouillard grâce à sa supériorité culturelle que maladroit dans sa mise en pratique. Tous deux parcourront un bon bout de chemin ensemble, au cœur de magnifiques paysages de l'Amérique sauvage, qui se transformera peu à peu en un cheminement intellectuel sur le thème de l'émancipation.

Ce qui frappe quand on considère l'ensemble des personnages, c'est à quel point aucun d'entre eux ne peut être considéré comme fondamentalement bon. Tous naviguent allègrement de part et d'autre la frontière séparant bien et mal, chacun avec ses raisons. La troupe formée par Burt Lancaster, Ossie Davis, Telly Savalas (un chauve qui chasse des scalps, comme un vague écho du personnage de Del Gue dans Jeremiah Johnson) et Shelley Winters (une greluche peu gracieuse portée sur l'astrologie) est joliment bigarrée, elle porte en elle une belle dynamique et ce à de nombreux titres. La dimension comique (voire rocambolesque) enfle au fur et à mesure de la progression du récit, jusqu'à occuper une place prépondérante (l'herbe folle utilisée pour droguer tout un régiment de chevaux étant sans doute le point culminant de la bouffonnerie), et peut à ce titre dérouter. Elle confère cependant au film une certaine légèreté bienvenue dans un tableau abordant (entre autres) le thème du racisme et quelques unes de ses excroissances. L'utilisation de l'ellipse pour illustrer l'échec du plan de Davis et Winters, punis (un œil au beurre noir pour elle, les mains liées pour lui) pour avoir fomenté un mauvais coup dont on ne verra pas le déroulement à proprement parler, est un exemple parmi d'autres de la redoutable efficacité de certains artifices de mise en scène.

Il y a une certaine finesse, aussi, dans la façon d'aborder la thématique prédominante, qui ne résume pas à la dénonciation "classique" de la ségrégation. Le Blanc un peu bourrin mais très à l'aise dans son environnement naturel, le Noir intellectuel dégainant ses maximes latines mais incapable de lutter contre les locaux : au final, deux antagonistes qui auront tout intérêt à travailler ensemble, comme le souligne (un peu lourdement certes) leur combat final, dans la boue, dont ils sortiront tous les deux de la même couleur (celle du bain de boue). En ce sens, on peut lire Les Chasseurs de scalps comme une version réactualisée et plutôt comique de La Chaîne (The Defiant Ones, sorti 10 ans plus tôt) de Stanley Kramer, avec Tony Curtis et Sidney Poitier dans les rôles principaux.

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