Beaucoup de partis pris de mise en scène développés par Rodrigo Sorogoyen peuvent paraître excessifs, surtout au terme d'un voyage de deux heures ancré sur la côte atlantique des Landes qui revendique aussi frontalement son systématisme technique — et dont courte focale et plan-séquence sont manifestement les maîtres-mots. On pourrait s'arrêter au sensationnalisme du quart d'heure introductif (un court-métrage du même nom, à l'origine) qui tord les boyaux à peu de frais en jouant sur la tension générée par une peur basique de parents, la perte d'un enfant. Le bruit du ressac permanent, aussi, comme la continuation ininterrompue d'une souffrance se rappelant sans cesse à cette femme (bouleversante Marta Nieto) qui tente de se reconstruire précisément sur les lieux de la disparition de son enfant, peut finir par user les sens. Quelques ingrédients psychologisants de trop, quelques dialogues maladroits, regrettables eux aussi.
Pourtant, de l'autre côté de l'ellipse qui sépare le court-métrage de Sorogoyen de 2017 de la suite offerte par cette version longue de Madre, il y a un portrait de femme vraiment bouleversant. Sur cette plage des Landes, dix ans après la disparition qui restera mystérieuse et non-élucidée, Elena est une mère endeuillée qui se reconstruit après la perte d'un enfant. Le sujet est bien traité, avec la bonne distance, la bonne dose d'incertitude (pour le personnage tout comme à l'extérieur de la diégèse), les bonnes zones de flottement aux bons moments. Après l'introduction qui foudroie, le film s'oriente vers la douceur d'une quête éperdue, celle d'une femme évoluant dans un univers presque vaporeux, à la poursuite d'illusions bénignes en apparence.
Sorogoyen parvient à jouer sur la thématique de l'ambiguïté et du malaise, dans la relation qui se noue entre la mère et cet enfant qu'elle pense être le sien, avec une certaine dextérité, sans en faire trop. L'asymétrie des intérêts dans cette relation est le moteur de la narration, avec d'un côté un enfant de substitution et de l'autre une femme qui ne ressemble à aucune autre. En creux, la question de la réciprocité extrêmement troublante d'un amour difficilement descriptible. Immensité de la plage, immensité de la mer, immensité de la douleur. Rien ne viendra éclairer les circonstances du drame : en découle un voile pudique sur le drame passé qui enferme peut-être davantage la protagoniste dans sa solitude. Marta Nieto, dans le rôle de cette mère blessée transformée en animal sauvage, sur la route du pardon, en écho à une sensibilité déchirante, est inoubliable.
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