L'avantage de s'être durablement exposé aux méthodes de Bresson (pour le meilleur) et Rohmer (pour le pire), c'est que le style narratif très particulier de Mes petites amoureuses, avec ses saynètes discontinues qui s'enchaînent, sa voix off particulièrement erratique, et sa direction d'acteur toute en théâtralité contenue concernant Martin Loeb dans le rôle principal de Daniel, paraît très abordable. Ce dernier marche dans les pas d'un Jean-Pierre Léaud jeune, entreprenant, maladroit, émouvant, et au travers de sa rencontre avec le monde des adultes et de sa découverte de la sexualité, alimente un portrait très attachant des premiers remous de l'adolescence. Ballotté entre la campagne bordelaise bienveillante avec sa grand-mère et le monde plus dur de sa mère habitant à Narbonne, il donne l'occasion d'observer une chronique un peu triste en plusieurs fragments de désillusion, à différents degrés de violence et d'amertume.
Mais clairement il faut franchir le premier palier de l'interprétation atone généralisée, voire l'apprécier pour les plus déviants d'entre nous. Une fois cette étape acquise (moins difficilement que les références citées précédemment, il faut reconnaître), la formule peut alors délivrer tout son potentiel, toute son ironie, et tout son charme. Eustache embraye très vite sur cette façon d'allier les véritables tressaillements existentiels propres à l'adolescence (et en particulier la découverte du corps de l'autre) et les passages à caractère presque burlesque (l'une des premières scènes raconte l'éveil du désir à l'église). En ce sens on n'est absolument pas surpris de voir débarquer Maurice Pialat en tant qu'acteur dans un rôle aussi minuscule que mémorable, à un moment où le garçon est confronté au monde du travail (forcé par sa mère en l'occurrence, qui l'a sorti de l'école) pour en constater les rapports de force et les déséquilibres.
Toutes ces précautions prises, le format de la chronique (avec des scènes qui s'interrompent et qui se succèdent un peu brutalement en termes de montage) adopté par Eustache correspond très bien aux réminiscences de l'adolescence, aux souvenirs parcellaires qui se structurent autour de quelques moments marquants. Des élans joyeux pour la découverte des sentiments (voire parfois des simples gestes, presque mécaniques, par reproduction) aux impasses marquées par leur amertume (un désespoir doux mais tenace rôde partout dans Mes petites amoureuses), c'est un film qui évoque le désenchantement adolescent dans tout ce que le sentiment a d'universel, et en prime avec une rare authenticité.
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