meurtre_a_l_italienne.jpg, janv. 2021
Gratter le vernis

Il ne manque pas grand-chose à ce film pour accéder à une place moins ingrate que ce simple policier sympathique à caractère social. Si le titre français Meurtre à l'italienne peut clairement induire en erreur dans le parallèle qu'il établit avec Divorce à l'italienne (la traduction a été opérée après coup, bien que le film soit sorti avant, à des fins commerciales évidentes), la tonalité de ce satané imbroglio — le titre original —s'éloigne de la comédie italienne classique pour s'inviter dans la case de l'hommage au film noir américain, avec en figure de proue le réalisateur et acteur Pietro Germi dans le rôle de l'enquêteur au cigare, chapeau, et lunettes noires.

Au-delà de l'intrigue policière plutôt touffue qui tente de démêler un gros paquet de nœuds formés par un labyrinthe de pistes se résumant à des impasses, l'intention assez claire de Germi est de composer une peinture sociale de l'Italie, avec des personnages de tous horizons, toutes catégories sociales, toutes origines géographiques. Même si la dimension psychologique des portraits n'est pas des plus denses, on reconnaît une forme appréciable de diversité du trait qui brosse différents milieux, du bourgeois au populaire en passant par la bureaucratie policière. De manière générale, tous les personnages sont des minables : non pas des criminels (on insiste sur le fait que leurs actes, globalement, ne sont pas répréhensibles), simplement des petits voleurs, des menteurs, des lâches, des cupides. Avec une petite préférence pour la bourgeoisie romaine médiocre empêtrée dans ses secrets honteux. Dans ce tableau peu reluisant, seule la jeune et magnifique Claudia Cardinale retient la bienveillance de Germi.

Une trame policière qui sert de prétexte à révéler les dessous cachés de la société italienne et les turpitudes des hommes : voilà l'objectif un peu trop programmatique pour convaincre et émouvoir totalement. Dans un style ni néoréaliste ni auteuriste, Germi fait usage autant de noirceur que d'humour, avec des répliques presque pince-sans-rire du style "(Le prêtre) Il fréquente des cartomanciens, des voyants… Des charlatans, en somme. — (Le commissaire) Oui, j’en connais un". Une société gouvernée par les apparences, où tout le monde prétend être quelqu'un d'autre dans un grand fracas de manipulations, de tromperies, et de chantages. Dans les placards, on dissimule des relents de fascisme. Dans le dos, on se prostitue (auprès de riches américaines) avant le mariage. Les échos de la décadence sont assourdissants.

germi_cardinale.png, janv. 2021 police.png, janv. 2021