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Histoire ésotérique, histoire matérialiste

Moonwalk One, un film à ranger dans le tiroir sans fond des œuvres bicéphales. D'un côté, toute une liturgie mystico-philosophique absconse sur le thème de l'exploration spatiale, avec son lot d'interrogations très emphatiques plus ou moins bien formulées, et de l'autre, une quantité impressionnante de détails issus de la préparation au quotidien de la mission Apollo 11. On peut faire le choix, non sans difficulté, de laisser de côté la première partie pour apprécier pleinement la seconde.

Mais quelque part, Moonwalk One est aussi intéressant de par sa valeur de témoignage, celui de l'état d'esprit d'une nation et d'une époque (fin 60s / début 70s) pour lesquelles les premiers pas sur la lune étaient porteurs d'une pléthore d'espoirs et de rêves technologiques. Dans cette optique, évidemment, aucune mention ne sera faite des multiples exploits réalisés du côté soviétique, très conséquents à l'époque, comme si le cadre international de cette mission se limitait aux agissements américains. La comparaison à 2001 :  L'Odyssée de l'espace de Kubrick, sorti un an avant le succès de la mission, paraît en outre quelque peu inutile, que ce soit pour l'élever (œuvre compagnon) ou au contraire le rabaisser (le 2001 du pauvre) : au-delà de quelques éléments un peu fantasques, comme la présence mystique du monument mégalithique de Stonehenge, Theo Kamecke filme l'épopée lunaire au plus près de l'action, souvent très terre-à-terre, du trio de spationautes aux couturières qui ont réalisé les combinaisons, du design de l'étage de propulsion à la foule réunie dans des camping cars près du site de Cap Canaveral. Avec en prime une petite séquence explicative, schémas ludiques à l'appui, sur les différentes étapes du projet (décollage, mises en orbite, etc.). En ce sens, Moonwalk One se rapproche beaucoup plus du récent First Man, pour sa dimension presque intimiste et son approche en partie anti-spectaculaire du spectaculaire.

Chaque élan ésotérique pour se projeter dans l'avenir semble systématiquement contrebalancé par une description matérialiste d'un aspect de la mission.

Le film documente autant l'exploit technique, à travers une profusion d'images captées entre autres dans le vif de l'action, que le contexte de création, de manière involontaire, avec le petit côté désuet des envolées mystiques et de questions amphigouriques assénées inlassablement (les possibilités qu'offrent les échantillons récupérés sur la lune, l'inconnu dans lequel l'humanité s'engouffre, le bond technologique et les responsabilités qui en découlent, et tout un tas de considérations ésotériques plutôt drôles). Quand le film tente de décrire son propre contexte historique, en faisant un rapide tour du monde et des sentiments des hommes à cette époque, il prête à sourire. C'est un complément amusant à l'euphorie collective, bien réelle, qu'avait alors suscité l'événement. Mais ce caractère didactique raté, très naïf, s'associe étonnamment bien à la poésie graphique recherchée dans de nombreuses séquences, à commencer par le décollage de la fusée et l'éjection de ses différents compartiments une fois lancée, dans un montage au ralenti empreint de rêverie.

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