Intéressant objet d'analyse que ces Ealing Studios, un jalon important du cinéma britannique des années 40 et 50 spécialisé dans la comédie loufoque mais qui ne s'est pas cantonné à ce seul genre, en témoigne l'excellent et âpre Went the Day Well? dans le registre du film de guerre. Passeport pour Pimlico se réserve quant à lui la particularité d'adopter un scénario on ne peut plus foutraque en conservant un ton absolument sérieux. En matière de foutraque, on tient un bon bout ici : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'explosion d'une bombe dans le quartier de Londres éponyme met à jour un vieux trésor (imaginaire, cela va de soi) du XVe siècle qui va changer la donne des environs, et pour cause, il s'agit d'un édit royal certifiant que Pimlico est la propriété du duché de Bourgogne. Ni une ni deux, un homme arrive et s'affirme Duc de Bourgogne, et voilà les habitants du quartier qui proclament leur indépendance à l'égard du Royaume-Uni. Le tout raconté avec ce sérieux et cet humour plein de flegme britannique.
Il est beaucoup question de rationnement dans ce film sorti dans l'après-guerre, et le quotidien abordé par Henry Cornelius devait correspondre à une réalité sociale — qui plus est avec le style de réalisme social employé pour narrer le quotidien à la fois très prosaïque et ubuesque du coin. Il flotte sur le film une ambiance légèrement anar, mais pas un anarchisme qui tache non, quelque chose de plutôt anarchiste-gentleman disons, à l'anglaise, c'est assez drôle et curieux pour être souligné. Bien sûr, le gouvernement britannique tentera par tous les moyens de soumettre cette bande d'illustres voyous en interrompant tous les services assurés par l'état, afin d'asphyxier les résistants par la nourriture et par l'eau. De leur côté, les indépendantistes mettent en place un contrôle aux frontières surréaliste, avec bureau de l'immigration et barbelés, naturellement.
L'idée qui sous-tend l'intrigue fait beaucoup penser à celle de Whisky Galore! (une petite communauté îlienne se ligue contre la puissance étatiste pour s'octroyer des tonneaux de whisky), qui y était traitée par l'Écossais Mackendrick avec beaucoup plus de folie et de vitalité. Ici, la situation rocambolesque reste cloîtrée dans un humour pince-sans-rire un peu trop calme à mon goût, ou du moins pas assez perspicace dans sa sobriété. Disons qu'il y avait de la place entre le sérieux du thème de Noblesse oblige (l'aristocratie) et le délire de De l'or en barres. Reste l'aspiration de son temps : l'émancipation en des temps difficiles.
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Oh, très très intrigant en effet ! Merci pour l'info. PS: N'avait-on pas un…
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Je note ce Ken Loach pour un jour. Ce tableau-là est très réussi, et il…
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Hahahaha, j'avais raté ça ! :D
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Ça fait mauvais genre. C’est tout de même mieux de finir un bouquin quand on est…
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