Bon sang de bonsoir, quel livre ! Il est bien difficile de croire que Terres Promises est le premier livre de Bénédicte Dupré La Tour tant celui-ci est époustouflant. Sa sœur jumelle, Florence, est dessinatrice de bandes dessinées, peut-être faut-il se pencher sur sa trilogie BD autobiographique Cruelle, Pucelle et Jumelle, pour élucider la naissance de cette soeur-écrivaine.
En alternant le genre épistolaire et narratif, Bénédicte Dupré La Tour forme une construction impeccable pour nous raconter l’itinéraire de ses sept personnages, entendez, des voix oubliées de la conquête de l’Ouest :
Eleanor, la prostituée qui attend l’heure de se faire justice ; Kinta, l’indigène qui s’émancipe de sa tribu ; Morgan, l’orpailleur fou défendant sa concession au péril de sa vie. Par delà les montagnes, arpentez les champs de bataille avec Mary ; suivez la traque de Bloody Horse, et rêvez de la liberté sauvage avec Rebecca. Parmi les colons et les exilés, vous croiserez sûrement la route du Déserteur, et une fois imprégnés de la véritable histoire de l’Ouest, le Bonimenteur vous apportera votre consolation contre quelques pièces.
(extrait de quatrième de couverture)
Cette œuvre qui pourrait être lue comme un recueil de nouvelles, forme un roman choral qui ne relâche jamais notre stupéfaction. La langue est impressionnante, tout en circonvolutions ; ce qui serait un défaut chez beaucoup d’écrivains semble ici faire émerger un tragique de répétitions et transcender la réalité. Les mots sont percutants rejouant des scènes familières de la conquête de l’Ouest en jetant un regard aigu sur l'envers du décor.
C'est une part terrible de la condition humaine qui nous est donnée à voir à travers ces existences et plus spécialement la condition des femmes en pénétrant leurs pensées les plus intimes, lorsque les hommes n’avaient qu’une idée en tête : la ruée vers l’or. Ces portraits résonnent bien au delà de ce contexte historique, révélant toute une dramaturgie faite de luttes intestines et de violences sexuelles. Chacune de ces nouvelles possède une fin magistrale et chacune de ces nouvelles, mises en correspondances, tisse un roman à la morale cinglante. En trois mots, un western sublime.
5 réactions
1 De Renaud - 17/02/2025, 11:26
Intrigant, again! Un billet lecture qui alimente une vraie envie, encore, merci.
2 De Nicolas - 18/02/2025, 09:45
Merci pour cette chronique, Gilles !
PS : du côté du cinéma, sur le sujet de la condition des femmes dans la conquête de l'Ouest, je te conseillerais, si tu ne l'as déjà vu, The Homesman, réalisé par Tommy Lee Jones (inspiré de ce film-là).
3 De Gilles - 18/02/2025, 23:45
ô Tommy Lee Jones... je ne le savais pas réalisateur aussi
J'apprécie toujours de voir des liens se tisser entre des œuvres (pas besoin d'aller trop loin pour les mentionner avec l'éventail de Renaud ;-), j'en connais un qui doit aussi apprécier la convergence des parallèles, mais je ne sais pas s'il nous lit dans cette brume électrique
4 De Nicolas - 19/02/2025, 10:22
Tommy Lee Jones a réalisé, pour le grand écran, deux très beaux westerns.
Le premier était Trois Enterrements, au sujet ô combien d'actualité :
"De nos jours au Texas, près de la frontière mexicaine, un jeune garde-frontière tue par erreur Melquiades Estrada, un vaquero immigré clandestin. Après une rapide enquête, son ami, Pete Perkins, décide de rapporter son corps dans son village, au Mexique, en obligeant son meurtrier à l'accompagner."
5 De Clete - 18/03/2025, 12:55
Une vraie claque !