Good is the thing that you favor, Evil is your sour flavor
Il y a un sens du détail historique plutôt appréciable dans ce conte situé au début du XVIIe siècle décrivant la lente désintégration d'une famille de colons en Nouvelle-Angleterre. La langue (Anglais d'époque), les coutumes, les habits, les croyances, les préoccupations : on rentre très vite dans cet univers singulier et silencieux par la porte que nous ouvre le film. Suite à leur excommunication (le père ayant été accusé d'un péché d'orgueil par l'église locale), les parents sont contraints de s'installer avec leurs cinq enfants loin de leur communauté, près d'une forêt aussi étrange que reculée. L'occasion pour The Witch de commencer à dérouler son programme, de tisser les fils de son intrigue et de son mystère, avec la disparition surprenante (et filmée comme telle, sans qu'on ne la comprenne) d'un nouveau-né.
Un loup ? Ou bien un sorcière ? Le film délaisse rapidement les préoccupations quotidiennes et naturelles de la famille pour se concentrer dans cette direction surnaturelle. Très vite, le titre trouve une illustration explicite à l'écran. C'est bien d'une sorcière dont il est question, et c'est là un des premiers reproches que je formulerais : tout le mal que s'est donné Robert Eggers à construire cette atmosphère si particulière est en quelque sorte annulé par la rapidité avec laquelle il lève le voile sur la source du Mal. Un Mal pernicieux et tapi dans l'ombre, qui s'attaque de manière explicite et extérieure à la famille, lors de plusieurs séquences mettant directement en scène la sorcière (une première séquence de rituel horrifique plutôt réussie, à base de sorcellerie et autres "flying ointments", mais qui survient à mon sens trop tôt dans le récit), mais aussi à l'intérieur du cercle familial, de manière plus implicite, au détour d'un comportement étrange, d'un regard déplacé et vaguement incestueux. Une atmosphère pesante que vient magnifier la photographie irréprochable du film, en décors naturels autour de leur maison ou à l'intérieur à l'aide de précieux éclairages à la bougie.
Assez paradoxalement, ce n'est pas sur ces aspects liés à la sorcellerie et au surnaturel que The Witch me semble le plus pertinent, mais plutôt sur la description d'une famille, d'un mode de vie, d'une pratique religieuse, et des failles qui se dessinent peu à peu. À ce titre, saluons la prestation du père de famille (le britannique Ralph Ineson, sa voix caverneuse et sa présence impressionnante) mais surtout des enfants (Anya Taylor-Joy en tête, mais aussi le deuxième enfant pour quelques scènes mémorables) qui parviennent à jouer en dépit de leur âge dans les limites du crédible et de l'effrayant. Le fait que le Mal gangrène peu à peu la famille en s'attaquant d'abord aux enfants est un choix judicieux, et instaure un climat de plus en plus étrange à mesure qu'ils en deviennent à la fois les victimes et les vecteurs.
Si The Witch s'en était tenu à ce programme, on tenait là une vraie pépite en guise de premier film. Mais le problème quand on dévoile la scène de sorcellerie décrite plut tôt de manière prématurée (alors qu'elle est en soit réussie, encore une fois), c'est que le mystère envoûtant de l'implicite laisse trop vite sa place à l'horreur frontale de l'explicite. Et on prend le risque de décevoir une partie du public, après en avoir déjà déçu une bonne partie via le cœur du matériau majoritairement anti-spectaculaire, en ratant les apparitions à l'écran de la figure du Mal. Que ce soit dans la forêt sous une forme jeune et attractive, ou plus tard dans la cabane sous des traits repoussants, ces irruptions maléfiques ne fonctionnent pas. Ou plus. Et sur cette pente glissante, la présence répétée du bouc (tiens tiens, qu'est-ce qu'il représente ?) et de jump scares hors de propos ne jouent pas en sa faveur.
Enfin, terminer The Witch sur une telle image, offrir une telle vision explicite avant le générique, est pour moi une faute directe (à mettre éventuellement au compte d'un premier film). À trop vouloir marquer les esprits, à trop vouloir se substituer à l'imagination du spectateur qui fonctionnait plutôt bien jusqu'à ce moment, le film fait une magnifique sortie de piste dans le tout dernier virage. D'une part, terminer sur la silhouette nue de l'enfant s'avançant dans les bois obscurs aux côté du bouc aurait été magnifique ; d'autre part, ce genre de folie païenne renvoie inexorablement à d'autres séquences marquantes du cinéma, et la comparaison avec les derniers instants de The Wicker Man ou même Kill List gâche un peu le plaisir teinté de fascination que ce premier film s'était donné tant de mal à nous délivrer.
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Waow. Encore merci, incroyable. Le deuxième "épisode" vaut le coup aussi?
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