Au début des années 2000, le réalisateur chinois Shui-Bo Wang est allé rencontrer les derniers des 21 soldats américains encore en vie qui, après avoir été fait prisonniers à la fin de la guerre de Corée en 1953, ont fait le choix de rester vivre en Chine plutôt que de retourner aux États-Unis comme l'immense majorité d'entre eux. C'est le point de départ de ce court documentaire sorti en 2006 focalisé sur un petit détail de l'histoire qui ne fait pas partie des sentiers battus des manuels scolaires.
Une des toutes premières séquences de ce documentaire montre un petit groupe de soldats américains habillés en tenue militaire chinoise, ces longs manteaux d'hiver rembourrés, se succéder devant un micro pour expliquer les raisons qui les poussent à ne pas rentrer dans leur pays. La menace qui pèse à l'échelle internationale suite à la mise en place de la chasse aux sorcières programmée par Joseph McCarthy, bien sûr, mais aussi de manière plus générale l'opposition à ce qu'ils considèrent comme la manifestation d'une intolérance de la part de leur patrie, comme une entorse à la sacro-sainte valeur de liberté pourtant érigée en parangon de vertu aux quatre coins de la nation. 21 soldats ex-prisonniers de guerre qui ont ainsi refusé le rapatriement au lendemain de la signature de l'armistice de 1953, et dont les déclarations feront penser aux parents de certains d'entre eux qu'ils ont subi un lavage de cerveau dans les prisons communistes — on est alors en plein dans The Manchurian Candidate aka "Un Crime dans la tête" de Frankenheimer.
On ne peut pas vraiment dire que les craintes exprimées par ces soldats soient injustifiées : deux de ces soldats qui sont finalement retournés aux États-Unis sont passés en cour martiale et ont été condamnés à 10 et 20 ans de prison. Le réalisateur, dans le même temps, raconte son choc lorsqu'il a vu pour la première fois un occidental dans la rue, "aussi étrange qu'une créature extra-terrestre". À l'issue de la guerre, les prisonniers qui ne souhaitaient pas rentrer comme les autres avaient été placés dans une zone neutre et avaient eu 90 jours pour prendre une décision définitive, et ce sont toutes les différentes raisons de ces 23 soldats (à l'origine, dont 2 sont rentrés peu après) qui structurent le documentaire, entre images d'archive, documents chinois ou américains, et interviews contemporaines.
Parmi eux, certains sont allés à l'université, d'autres ont travaillé à l'usine ou dans des champs, et d'autres encore ont fini conducteurs de camion, tous à des degrés de convictions politiques très différents. Tous, à l'exception d'un, rentreront aux États-Unis avant la Révolution culturelle. L'histoire de celui qui est resté et a fondé une famille en Chine, James Veneris, comporte un lot d'anecdotes savoureuses — comme par exemple celle où ses collègues chinois l'ont protégé de la police politique qui l'accusait d'être un agent américain lors de la révolution. Il y a aussi ce soldat noir de Memphis qui voulait échapper aux discriminations raciales dont il avait souffert avant la guerre, et d'autres qui étaient tout simplement curieux de voir à quoi ressemblait la vie en Chine. Le retour en Chine de l'un d'entre eux, 50 ans après, est un moment particulièrement touchant.
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