LePoidsDuPapillon.jpg, sept. 2021

Dans la nouvelle Le poids du papillon, Erri De Luca focalise le récit avec originalité sur un chamois qui domine sa harde, se retrouvant seul à faire face à un singulier braconnier. L’incipit :

Sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l’odeur de l’homme et de la poudre à fusil.

Aux allures de conte, cette nouvelle époustouflante rappelle Le vieil homme et la mer avec sa lutte et son duel acharné dont Ernest Hemingway disait :

No good book has ever been written that has in it symbols arrived at beforehand and stuck in. I tried to make a real old man, a real boy, a real sea and a real fish and real sharks. But if I made them good and true enough they would mean many things.

Erri De Luca aurait probablement la même réponse à ceux qui verraient dans Le poids du papillon un symbole de la destinée humaine, un symbole du combat de l’homme contre ce qui résiste à sa volonté ou toutes autres allégories.

Ce duel entre les hommes et l’animal traqué, on le retrouve aussi dans Un roi sans divertissement de Jean Giono, évènement central qui arrive selon moi à l’acmé de ce roman. Histoire aux multiples narrateurs et temporalités, l’action demeure pour un temps chronologique puisqu'elle relate l'affaire liée à un tueur qui sévit dans un village d’une vallée du Trièves. Le lecteur s’imprègne de l’atmosphère montagnarde à travers l’enquête. Le récit des villageois s’entrelace avec celui du mystérieux personnage central Langlois qui va errer sur les chemins de la vallée jusqu’aux sommets des montagnes pour enquêter. La notice présente le roman ainsi :

Un Roi sans divertissement (1947), écrit en vingt-sept jours, est, selon Pierre Michon, "un des sommets de la littérature universelle". Un sommet aussi dans l'art si gionien de rendre les silences éloquents et les ombres éclairantes. L'aventure se niche dans les phrases dont on ne saurait deviner la fin, les séquences sont montées avec une hardiesse incomparable, les niveaux de langue juxtaposés avec la plus grande aisance. Langlois, justicier paradoxal, "porte en lui-même les turpitudes qu'il entend punir chez les autres". Il éprouve comme Giono la nécessité du divertissement, dont le crime, comme l'écriture (et la lecture), est une forme.


Enfin, le roman Les huit montagnes, l’œuvre de Paolo Cognetti qui vit dans le val d'Aoste, mériterait des louanges du même degré. Rien ne triche dans cette histoire d’une amitié à la montagne. Ce roman d'apprentissage gagne à être partagé, c’est pour cela que j’en réserve toujours un à offrir. L'ambivalence et les contradictions du jeune narrateur par rapport à ses années de vie en ville, son père bourru qui trace verticalement vers les sommets sans économiser ses forces, son amitié nouée avec un garçon du village de ses vacances à la montagne sont vibrants d'émotion.

Trois coups de cœur assurément.