zvenigora.jpg, déc. 2022
Mille ans pour faire coïncider bolchévisme et nationalisme ukrainien en URSS

Ce film d’Alexandre Dovjenko est le premier de la trilogie qu'il a consacrée à l'Ukraine avec les merveilleux Arsenal et La Terre, mais c'est un film qui détonne fortement avec le reste de sa filmographie (du moins la part que j'ai pu découvrir pour l'instant). D'un point de vue purement esthétique, il n'y a aucun doute, on s'inscrit dans l'état de l'art du cinéma soviétique avec une avalanche de techniques qui marquent fortement les esprits, que ce soit à travers le montage, les effets de ralenti, le symbolisme (peut-être moins présent ici que dans les deux autres films de la trilogie ukrainienne), ou ici la particularité des différents épisodes racontant un moment important de l'histoire nationale. Mais sur le fond du discours, j'avoue avoir été sidéré par la teneur du propos, à la fois conforme en un sens à la doctrine soviétique, mais aussi incroyablement iconoclaste en tentant une intersection entre bolchévisme et nationalisme.

En guise de préliminaire et pour dialoguer avec mon moi futur, je dois préciser que la succession d'épisodes, leur enchâssement, l'étendue du spectre observé couvrant le Moyen Âge jusqu'à la guerre civile russe, et la pluralité des points de vue m'ont pas mal perdu et ont rendu le visionnage difficile. On baigne dans une ambiance légèrement surréaliste, presque fantastique, via les divagations du personnage central du grand-père, accentuant le flou général. Mille ans d'histoire racontés entre réalité et fiction à deux fils antagonistes sur fond de trésor enfoui dans la montagne... il faut bien s'accrocher.

Une œuvre puissante, mais aussi obscure car un peu décousue, donc. L'ambition de Dovjenko est particulièrement démesurée, dans l'ampleur visée mais aussi dans la tentative de réconciliation des deux récits nationaux — chose que je n'avais jamais vue au cinéma. Un film soviétique traitant du folklore national en héritage, à travers diverses histoires de filiation, la tradition écrasée par la modernité à grand renfort de figures symboliques, etc. Les époques sont aussi nombreuses que les personnages, le rythme est complètement fou, et classique parmi les classiques, la musique contemporaine est aussi baroque qu'inappropriée, un supplice (je n'ai pas hésité à couper le son cette fois). Méga métaphore de l'âme nationale de l'Ukraine, avec des composantes spirituelles et nationalistes que tiraillent la fibre soviétique. Le questionnement sur les dégâts de la révolution et les spécificités culturelles m'a scotché, au sein d'un film de cette période.

img1.png, déc. 2022 img2.png, déc. 2022 img3.png, déc. 2022 img4.png, déc. 2022 img5.png, déc. 2022