La fabuleuse histoire de Quartier lointain se tisse autour d'un « voyageur du temps » qui va revivre ses quatorze ans dans le Japon d'après-guerre.

... Et si dans cette seconde enfance, le temps empruntait finalement d'autres voies que celles du « passé » ?

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Hiroshi Nakahara est un homme de 48 ans marié et père de deux filles, qui vit pour son travail. De retour d'un voyage d'affaires, l'alcool aidant, Hiroshi monte dans le mauvais train à destination de sa ville natale, où il y a des années, dans son adolescence, un événement le marquera sévèrement : l'inexplicable disparition de son père. C'est alors qu'en visitant la tombe de sa mère, morte depuis plus de vingt ans, il perd conscience. À son grand étonnement, il se réveille en 1963 du haut de ses 14 ans, avec une vie qui reste à parcourir : son père est encore à la maison auprès de sa mère, sa sœur, et sa grand-mère.

En parcourant ce manga, vous pourriez commencer à penser à votre propre passé, à ces actes manqués, ou à ces instants éphémères dont vous n'aviez pas pris pleinement conscience. Car, comme l'avait écrit Proust, notre esprit se détourne volontiers de l'effort qu'il faut pour approfondir en soi-même une impression agréable que nous avons eue. S'amusant de retrouver les bancs du collège, s'exaltant de ses banals exploits sportifs d'ado, rejouant ses premiers émois amoureux, Hiroshi vit donc une seconde enfance en empruntant des chemins différents avec la mémoire, la maladresse et la maturité d'un adulte. Il se fixe bientôt une entreprise délicate : retenir son père avant la journée fatidique de sa disparition. Pour cette raison, il devient très difficile de quitter cette œuvre qui essaie de résoudre les contradictions d'une vie.

Pas besoin d'être un fana de culture japonaise ou de manga pour se laisser envoûter par cette histoire de Jirô Taniguchi qui remporte l'Alpha'Art du meilleur scénario au Festival d'Angoulême 2003, et ça c'est fichtrement mérité au regard de ce dessin et de cette œuvre littéraire ma-gni-fi-ques.

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... ce qui nous rappelle le mieux un être, c'est justement ce que nous avons oublié (parce que c'était insignifiant, et que nous lui avons ainsi laissé toute sa force). C'est pourquoi la meilleure part de notre mémoire est hors de nous, dans un souffle pluvieux, dans l'odeur de renfermé d'une chambre ou dans l'odeur d'une première flambée, partout où nous retrouvons de nous - mêmes ce que notre intelligence, n'en ayant pas l'emploi, avait dédaigné, la dernière réserve du passé, la meilleure, celle qui, quand toutes nos larmes semblent taries, sait nous faire pleurer encore.

A la recherche du temps perdu, Proust.