vera_cruz.jpg, juin 2020
"Ben Trane. I don't trust him. He likes people, and you can never count on a man like that."

Malgré ses défauts logés dans la trame d'un scénario aux rebondissements sacrément tarabiscotés, Vera Cruz donne tout de même un peu le vertige dans le semi-bouleversement des codes qu'il propose, dans un genre archi balisé dans les années 50, et ce 15 ans avant que Peckinpah dynamite le western pour de bon avec The Wild Bunch en 1969. Autre particularité intéressante, Robert Aldrich met sur le devant de la scène l'histoire française au Mexique, à travers la personne de l'empereur Maximilien : le film tournera essentiellement autour d'une escorte qui doit convoyer (entre autres) la femme de l'empereur jusqu'à la ville de Vera Cruz.

Le cadre historique et géopolitique retenu est sans doute ce qui a poussé Aldrich a insérer autant d'ambivalences (toutes proportions gardées) dans un genre habitué jusqu'alors aux archétypes manichéens : on est au lendemain de la guerre de Sécession, et Gary Cooper tout comme Burt Lancaster incarnent deux anti-héros notoires, deux aventuriers principalement attirés par le magot, bien plus que par une quelconque cause (qui sera portée par la droiture d'un autre personnage, du côté des Mexicains). Le personnage de Gary Cooper, Benjamin Trane, restera toutefois le gardien de la morale dans les tous derniers instants, mais celui de Burt Lancaster, Joe Erin, n'aura eu de cesse de travailler sa loyauté. Avec son sourire carnassier d'un blanc éclatant, contrastant avec la poussière et la crasse environnantes, il compose un personnage vraiment attachant.

Un western de rupture, penché sur la truculence, saupoudré d'un baroque presque imperceptible vu d'aujourd'hui, annonçant donc la contre-culture et le spaghetti — en témoigne, indirectement, la présence de Charles Bronson voire même la trombine de Ernest Borgnine. L'avidité et l'hypocrisie règnent en maître, et sans doute un peu trop si on en juge les péripéties dignes d'un film d'aventures un peu trop concentré sur sa dynamique du rebondissement et de l'instabilité à tout prix. Aldrich entend assez clairement s'atteler à une tâche de démythification, et c'est en cela qu'on est poussé à fermer les yeux sur certaines grosses ficelles scénaristiques. Un sacré bordel, tout de même. Et quelques très belles idées visuelles, aussi, comme ces rotations à 360° découvrant l'encerclement des protagonistes par des centaines de juaristes postés en hauteur.

cooper_lancaster.png, juin 2020