mardi 18 février 2025

La Sixième Partie du monde (Шестая часть мира, Chestaya tchast mira), de Dziga Vertov (1926)

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Ode à l'aigle kirghiz et au renne cru, à la production agricole et aux ovins qui se baignent

La Sixième Partie du monde, en référence à l'étendue de l'Union Soviétique par rapport aux autres territoires de la planète, peut se concevoir de plusieurs façons, selon le degré d'adhésion ou de rejet au matériau de propagande ainsi qu'au langage cinématographique développés durant toute sa carrière par Dziga Vertov. Mais le principal message du film est lié à l'exploitation de la diversité culturelle immense présente sur ces plus de 20 millions de kilomètres carrés, tout au long du XXe siècle. Des frontières chinoises jusqu'aux cimes enneigées du Caucase, des régions désertiques aux territoires prisonniers des glaciers, des forêts millénaires aux zones littorales, Vertov consacre l'essentiel du film à célébrer l'incroyable pluralité des cultures qui composaient ce sixième de Terre.

L'incise insérée par Vertov au tout début du film est toutefois d'une étonnante agressivité : le tableau esquissé en cinq minutes de la société capitaliste de l'époque est extrêmement virulent, en dénigrant le foxtrot et en pointant du doigt l'esclavage et l'asservissement des populations noires... Il faut reconnaître qu'au milieu des années 1920, l'URSS n'a pas encore inventé le goulag et l'idéologie soviétique s'annonce comme un chant utopique exhortant les peuples à l'émancipation, à la maîtrise des moyens de production. À mettre au crédit du réalisateur russe, l'éloquence frappante de La Sixième Partie du monde emporte tout sur son passage, que ce soit au travers d'intertitres gigantesques martelant ses messages d'agitprop avec vigueur ou par l'entremise de ce montage acéré qui mitraillera des fragments de paysages, de personnes, de cultures, et de travaux pendant un peu plus d'une heure.

Et l'effet produit se situe du côté du rouleau-compresseur, celui qui venait tracer la route de la victoire à coup de dynamite à la fin du film de Mikhaïl KalatozovLe Sel de Svanétie. Vertov interpelle avec ferveur le spectateur (un plan s'adresse directement à des personnes assises dans une salle de cinéma) comme il harangue les peuples de toute l'Union Soviétique, en multipliant les "TOI" (un carton qui emplit tout l'écran de ces trois lettres) qui composent ce 1/6 planétaire. Le ciné-poème est tourné à l'évidence à la gloire de l'expérience communiste, avec quelques figures de Lénine érigées dans le dernier segment, mais c'est vraiment la diversité du territoire soviétique qui constitue la base des célébrations. Au-delà des aspects purement propagandistes, la myriade d'images glanées aux quatre coins du continent conduit à une forme d'hypnose, une forme d'hallucination internationale — que l'accompagnement musical vient compléter, sur un versant plus désagréable me concernant, dans la lignée de ces musiques composées sous LSD bien trop envahissantes. Les modes de vie explosent sous une forme kaléidoscopique, avec un appel au rassemblement sous une même bannière, celle de la société socialiste complète. L'importance de la production agricole et des exportations, l'achat et la construction de machines variées, des mosquées et des tramways, un aigle kirghiz et un ours sibérien, un renard piégé et la chasse à la martre, le bain des moutons dans la mer (avec de nombreux intertitres surréalistes), l'élevage de rennes, des trappeurs apportant leurs fourrures en échange d'autres biens, un court passage en stop-motion consacré à l'empaquetage d'oranges, la fabrication du caviar, les blés battus et le coton filé, et la marche du progrès même si des gens croient encore en Mahomet, le Christ ou Bouddha et si d'autres mangent du renne cru. C'est fascinant.

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dimanche 16 février 2025

Terres promises, de Bénédicte Dupré La Tour (2024)

illustration de couverture

Bon sang de bonsoir, quel livre ! Il est bien difficile de croire que Terres Promises est le premier livre de Bénédicte Dupré La Tour tant celui-ci est époustouflant. Sa sœur jumelle, Florence, est dessinatrice de bandes dessinées, peut-être faut-il se pencher sur sa trilogie BD autobiographique  […]

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mercredi 12 février 2025

Quatre Étranges Cavaliers (Silver Lode), de Allan Dwan (1954)

quatre_etranges_cavaliers.jpg, 2025/01/24

"A man’s life can hang on a piece of paper." Il y a un côté presque rassurant, à regarder Silver Lode aujourd'hui dans les conditions médiatiques hystériques actuelles, à cette ère de post-vérité où les faits et les opinions tendent à perdre leurs sens et leurs différences respectives.  […]

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mardi 11 février 2025

The Unstable Object, de Daniel Eisenberg (2011)

unstable_object.jpg, 2025/01/24

Trois objets, trois chaînes, trois ambiances La signification exacte du titre, The Unstable Object, reste quelque peu obscure à la fin du visionnage de ce documentaire qui pose un regard sur trois lieux de travail à travers le monde : d'abord, une usine de montage Volkswagen à Dresden en Allemagne,  […]

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lundi 10 février 2025

Aniki Bóbó, de Manoel de Oliveira (1942)

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Une enfance à Porto, sur les rives du Douro Quel vertige de contempler l'amplitude du cinéma de Manoel de Oliveira, que j'avais à titre personnel découvert par son avant-dernier film de 2011, L'Étrange Affaire Angélica (réalisé à un peu plus de 100 ans, excusez du peu, quelques années avant sa mort  […]

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vendredi 07 février 2025

Nevermore, de William Hjortsberg (1997)

Nevermore est un délicieux polar dont les deux héros sont Sir Arthur Conan Doyle et le maître illusionniste Houdini. William Hjortsberg imagine ces deux copains devenus bon gré mal gré des détectives dans le New York des années 1920. Un tueur en série dans la ville imite les modus operandi des  […]

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jeudi 06 février 2025

La Mort apprivoisée (The Small Back Room), de Michael Powell et Emeric Pressburger (1949)

mort_apprivoisee.jpg, 2025/01/13

"Wouldn't it be silly to break up something we both like doing, only because you think I don't like it." Difficile de voir dans La Mort apprivoisé" (aka The Small Back Room), film de guerre froid et sec en noir et blanc centré sur les recherches scientifico-milaires loin du front  […]

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mardi 04 février 2025

Traversée des Pyrénées, 3ème partie : un peu de GR10 et beaucoup de hors-sentier, entre la maison du Valier et Saint-Lary-Soulan

map1_v2.png, 2025/01/31

RÉSUMÉ DU TREK Parcours : Maison du Valier → Saint-Lary-Soulan Durée : 6,5 jours Distance et dénivelé (total) : 116 km / 11 200 m D+ / 11 100 m D- Distance et dénivelé (moyenne par jour) : 18 km / 1700 m D+ / 1700 m D- Notre traversée des Pyrénées continue. On ne procrastine pas avec les pieds pour  […]

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