Probablement le film le plus désabusé (et pertinent) qui puisse être fait sur les échecs de la société états-unienne en termes de corruption, de racisme, de misère et de violence dans toutes les strates et toutes les classes du pays. La ville du New Jersey est fictive dans cette fiction mais la dimension allégorique tombe sous le sens sans jamais souffrir de la moindre lourdeur : John Sayles parvient à tisser son film choral avec une dextérité plutôt rare, au moyen d'une toile de personnages rassemblant plusieurs dizaines de personnalités correctement identifiées, tout en brassant un large panel de profils, politiciens, policiers, promoteurs, ouvriers, adultes, enfants, et toutes les communautés du coin, blanches, noires ou italiennes.
L'argument choral tient au lieu autour duquel tous les personnages gravitent de près ou de loin, un vieil immeuble promis à la destruction où certains habitent, où d'autres squattent, et que d'autres trouveront un intérêt à incendier. Il n'y a pas vraiment de tête se démarquant beaucoup plus que les autres, sauf peut-être Vincent Spano dans le rôle du fils hispano d'un politicien véreux qui décide au début du film d'envoyer valser les privilèges professionnels dont il jouissait grâce à ce dernier, et accessoirement un des maillons d'une romance plutôt bien ficelée qui structurera la deuxième partie de City of Hope. Parmi les gueules à moitié connues, on remarque Joe Morton (un magistrat noir idéaliste), Chris Cooper (un personnage très secondaire) et David Strathairn (un sans-abri un peu fou). Tous les protagonistes seront amenés à se croiser, de manière directe ou indirecte, mais souvent les uns dans l'arrière-plan de l'action des autres, au milieu de plans relativement longs.
Tout ça pour quoi ? Une peinture du milieu urbain américain des années 1990 dans toute sa complexité, entre communautarisme et capitalisme débridé, entre sens du commun et égoïsme généralisé, entre sphères politiques gangrenées et contraintes inextricables du quotidien. La tonalité déployée par John Sayles à ce niveau est d'un pessimisme tout à fait assuré, mais jamais lourdingue, jamais programmatique. Les inégalités sont particulièrement saillantes quelle que soit la perspective adoptée, et dans cette jungle hostile la compromission à tous les niveaux de la société apparaît presque comme inévitable pour ne pas finir écrasé par son voisin. Un film-bordel très intéressant, partagé entre ses temps forts et ses temps tristes, qui se tient du début à la fin à sa position d'observateur neutre, désillusionné.
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