Mikio Naruse est l'auteur d'une petite centaine de films et c'est la première fois que nos chemins se croisent sur le territoire de l'enfance, loin de ses mélodrames les plus réputés qui explorent des thématiques et des points de vue résolument adultes. Ce filtre très subjectif alimenté par des sélections de visionnages m'avait empêché de percevoir à quel point sa sensibilité pouvait s'accorder à merveille au référentiel d'un jeune enfant et à la description de son univers, de ses aléas, de ses craintes et de ses joies qui évoluent au gré d'impulsions liées dans les rues de Tokyo.
À l'approche de l'automne est une chronique d'enfant, à hauteur du regard d'un enfant : il s'inscrit en cela dans la veine du cinéma d'Ozu consacré à cet âge (plutôt ses films des années 30 comme Choeur de Tokyo que des années 50-60 comme Bonjour, beaucoup moins mélancoliques) mais surtout dans la continuité des films de Hiroshi Shimizu, un autre stakhanoviste japonais auteur d'innombrables pépites comme Les Quatre Saisons des enfants ou Des enfants dans le vent. Le cadre est initié par des contraintes héritées du référentiel des adultes, clairement : c'est la mère de Hideo, récemment veuve, qui rejoint la capitale pour gagner sa vie dans une grande ville et le confie à un oncle. Une fois cette dynamique installée, il ne sera plus question que du quotidien de cet enfant et de ses quatre cents coups.
Et c'est là que la magie opère. Pendant que les adultes vaquent à leurs occupations, la mère dans une auberge avec un client fortuné, l'oncle dans la gestion de son petit commerce, les enfants errent dans les interstices qui leur sont laissés. Le film procède par vignettes très attachantes, reconstituant un imaginaire kaléidoscopique : une balade en moto avec le cousin plus âgé, une partie de baseball sur un terrain privé, une course à faire avec des embûches sur le chemin, et surtout des moments privilégiés avec une jeune fille rencontrée récemment, Junko, d'où émerge une très belle amitié.
Le monde des adultes n'est pas tendre avec Hideo, entre la mère qui espère refaire sa vie avec un client et l'oncle qui n'a aucune chance de figurer au palmarès des parents les plus aimants. Mais Naruse n'en fait jamais des péripéties excessives, simplement une succession d'événements qui forment un sentier dans lequel Hideo essaie d'avancer, comme il peut. Il faut voir son visage assailli par la désillusion lorsqu'il découvre dans la rue sa mère au bras d'un homme, par hasard, de même que le visage de Junko lorsque ses parents refusent d'adopter Hideo — l'innocence de l'enfance sans barrière et sans préjugés qui se fracasse sur le mur du pragmatisme des adultes. Ainsi À l'approche de l'automne parsème ses moments de vérité cruelle, ses interrogations naturelles muant inexorablement en une incompréhension silencieuse, avec en ligne de mire l'océan pas aussi bleu qu'on ne le dit. Mais clairement la dernière scène est la plus triste d'entre toutes, alors que Hideo venait de traverser toute la ville avec son entorse à la cheville et son scarabée-rhinocéros qu'il venait de capturer pour l'offrir à Junko. Une conclusion aussi légère que brutale, amère, sincère, sans animosité mais chargée de désespoir.
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