Grande lacune pour ma part en ce qui concerne la filmographie dense de Hiroshi Shimizu s'étirant du début des années 1920 à la toute fin des années 1950, et dont ce Des enfants dans le vent rivalise aisément avec les films d'Ozu sur le même sujet : l'enfance. Il est bien tentant de dresser un parallèle entre les films de ce dernier, que ce soit vers les débuts muets (Gosses de Tokyo) ou vers la fin en couleur (Bonjour), et ce film qui épouse de manière vraiment remarquable la hauteur du regard d'enfant. Tout le film est raconté du point de vue des enfants d'une famille, et plus précisément celui du plus jeune des deux, Sampei, un gamin turbulent qui n'a pas d'aussi bonnes notes que son frère Zenta mais qui en revanche sait très bien rallier tous ses copains du coin en grimpant dans des arbres et en imitant Tarzan. Les choses se gâtent quand le père se trouve accusé de détournement de fonds et est envoyé en prison : aux débuts très guillerets succède une partie principale plus en prise avec le mélodrame familial.
Les enfants sont envoyés à la campagne, pour soulager leur mère, chez leur oncle — Takeshi Sakamoto, un visage et une moustache qu'on n'oublie pas — et le drame se noue dans leur profond désarroi à l'idée d'être aussi loin de leur maison. Shimizu, en plus de la hauteur typiquement enfantine du regard, capture l'essentiel des péripéties, des humeurs et des états d'âme avec une grande distance, comme s'il s'interdisait de plonger frontalement dans le mélodrame. Et de fait la méthode fonctionne, sans doute grandement aidée par l'implication des enfants dans le film, tout à fait à l'aise et crédibles dans leurs rôles. Le sujet de la désintégration de la cellule familiale n'est pas simple, les tourments en lien avec le sort du père vécus de leur point de vue d'enfants non plus, et pourtant, le film brille par sa franche sincérité qui fait ressentir toutes ces émotions sans une once de pathos.
C'est que la perspective adoptée, entièrement concentrée dans les yeux des deux frères, permet de rendre compte de leur sort avec une vigueur très appréciable, comme si cette narration permettait de mieux comprendre le monde duquel ils sont extraits et celui dans lequel ils sont jetés. Les 400 coups chez l'oncle, les jeux avec leur bande, leur relation avec leur père (avec jeu de sumo), en brassant les thèmes du pardon et de la justice (le père sera reconnu innocent), forment le portrait d'une intimité de l'enfance saupoudré d'humour potache vraiment original. On en retrouvera un prolongement dans Les Quatre Saisons des enfants (1939).
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