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Géographie de l'alimentation

Plus qu'un simple "atlas" qui se contenterait de réunir des cartes géographiques, le livre de Gilles Fumey et Pierre Raffard entend dresser un portrait international de l'histoire de l'alimentation, de son évolution (temporelle et géographique) et de ses problématiques plus contemporaines. Un recueil à mes yeux très inégal, avec d'un côté des données historiques ou statistiques très classiques mais néanmoins intéressantes, présentées sous forme de cartes on ne peut plus standards, et de l'autre, en fin d'ouvrage, des réflexions assez pauvres et limitées sur les thématiques actuelles ayant trait aux nouvelles contraintes et aux nouveaux modèles d'agricultures.

Parmi les chapitres intéressants, on trouve notamment l'histoire des foyers de domestication des plantes, dont l'origine remonte au néolithique il y a plus de 10 000 ans, présentée selon plusieurs thèses, avec plusieurs causes et conséquences. Les trois principales céréales (blé, riz, maïs) et les trois continents où elles ont émergé, le passage de l'état sauvage à celui de culture organisée, l'apparition des fruits et des légumes avec notamment l'apparition de la pomme de de terre, de la tomate et du haricot. L'influence des conditions locales sur le développement de telle ou telle légumineuse, l'utilisation de tel ou tel condiment. De la même façon, des fouilles archéologiques permettent de retracer l'histoire de la domestication des animaux, bovins, ovins, caprins, et équidés dans toutes leurs variations (la poule vient de Nouvelle Guinée alors que la dinde vient de Méso-Amérique, par exemple).

Une fois ces bases posées, l'atlas étudie les interfaces entre les différents pôles, les zones d'échange qui ont conduit aux associations de type céréales / légumineuses, le déplacement des hommes et des marchandises, en temps de guerre ou de paix, et les mouvements humains qui ont produit des concentrations de denrées en zones "urbaines". L'âge industriel, avec ses moyens de transport et de conservation, véhicule de nouvelles transformations profondes de la répartition des zones de production et des modes de consommation. Des problèmes plus contemporains, comme la conservation des graines, l'intolérance au lactose, l'uniformisation des goûts (pizza, burger, sushis, kebab) ou le phénomène d'accaparement des terres agricoles, font l'objet de cartes très basiques. Un tour rapide de produits divers (bière, vin, alcools forts) depuis leurs origines vient juste avant les derniers chapitres et la conclusion sur l'agriculture biologique, les modes de production locale, et les interrogations quant à l'agriculture demain. À noter également l'importance croissante des firmes spécialisées en technologie agroalimentaire, notamment en Californie, avec tout un lot d'inventions chimico-biologiques à venir, dans le but de "retexturer les protéines" ou "produire des aliments nouveaux".

Si le tour d'horizon proposé en quelques centaines de pages est très vaste dans la diversité des thématiques abordées, cet atlas pèche quelque peu par le caractère à la fois généraliste et souvent basique des informations qui sont présentées (beaucoup de statistiques mondiales très générales) et dans la façon dont elles sont représentées. Beaucoup de cartes paraissent inutiles : le scandale des lasagnes de cheval en 2013 ou encore la géolocalisation du terme "sushi" sur Instagram, par exemple, ne justifient pas forcément de représenter ces phénomènes de la sorte. Le dernier tiers du livre, questionnant les enjeux contemporains, avec les toitures végétalisés et arborisées, la viande synthétique, la conversion vers des agricultures plus respectueuses de l'environnement, pèche quant à lui par le caractère extrêmement succinct de ses démonstrations. Il s'agit plus d'un point de vue énoncé très brièvement que de résultats de recherches sur le sujet, sans présenter en détails l'origine et la constitution des déséquilibres modernes, ce qui peut s'avérer très frustrant en guise de conclusion. Peut-être un peu trop pédagogique et didactique dans l'intention, ainsi qu'un certain systématisme dans la forme, avec des cartes qui viennent inconditionnellement en support d'un propos très condensé.

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