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Vestiges vertigineux d'une tribu indonésienne

Plongée sans pareil au sein d'une tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée, au tout début des années 60, captée par l'anthropologue américain Robert Gardner et son équipe. Les Dani constituaient un ensemble de populations d'une province indonésienne de Papouasie dont les sociétés étaient intégralement fondées sur la guerre, vécue comme un rituel quotidien, essentiel et inéluctable, auquel se prêtaient les hommes des tribus situées de part et d'autre du fleuve traversant la vallée du Baliem. Chose assez folle, leur culture pouvait être considérée comme appartenant au Néolithique classique. Le passé est de rigueur puisque la société des Dani telle qu'elle était constituée alors n'existe plus aujourd'hui, transformée sous la contrainte des autorités coloniales néerlandaises (jusqu'en 1962) puis indonésiennes.

En bon documentaire ethnographique, c'est un film qui doit être vu plutôt que décrit ou commenté : au-delà du concept passionnant qui structure ce peuple, isolé du reste du monde pendant très longtemps, animé par l'idée que la vie ne compte que pour la guerre en dehors des jours pluvieux ou de la nuit, un commentaire ne pourra jamais vraiment retranscrire ce que la caméra de Gardner (et dans une moindre mesure son discours, bien que nécessaire la plupart du temps pour déchiffrer ce qui est en train de se jouer à l'écran). Les différentes tribus sont engagées dans un cycle de violence qui pouvait sembler éternel, puisque chaque mort d'un côté appelait un mort de l'autre pour obtenir réparation et, élément fondamental, apaiser les esprits. La guerre vue à travers un prisme parfaitement unique, qui trouve une forme d'harmonie naturelle dans les conflits réguliers et le rythme des deuils.

Le but de Gardner était de voir si en assemblant tous les fragments du quotidien de cette société, la proposition ainsi formée révèlerait quelque chose au sujet des autres sociétés, à commencer par la nôtre. Ce qui est sûr, c'est que ces images d'hommes postés en haut d'immenses arbres-poteaux en attendant l'ennemi, de taille de lances à l'aide d'os aiguisés, de pratiques superstitieuses diverses impliquant une forme de magie, de femmes travaillant pendant que les hommes s'entretuent, de funérailles d'enfant ou de guerriers morts au combat au cours desquelles des femmes se coupent les doigts en signe de deuil, forment une représentation kaléidoscopique fascinante de cette société.

region.jpg, août 2020 rituel.jpg, août 2020