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Gérard Philipe, ce dragueur impénitent

Sur le papier, faire de Gérard Philipe un Don Juan provincial à la conquête des jeunes parisiennes qui tombent invariablement sous son charme censé être irrésistible et vénéneux a quelque chose de presque invraisemblable... En tous cas lorsqu'on a en tête ses personnages de gentils benêts tels que ceux de Juliette ou la Clé des songes ou Une si jolie petite plage. Mais de manière tout aussi surprenante, Julien Duvivier en fin de carrière est parvenu avec une crédibilité presque immédiate à en faire un homme doté d'un grand pouvoir de séduction et d'une aisance en affaire toute naturelle. Deux qualités qui lui ouvriront très vite les portes de la bourgeoisie de Paris et qui lui permettront de gravir l'échelle sociale avec une vitesse peu commune.

Dans cette adaptation de Zola, Duvivier s'en donne à cœur joie dans le registre de la comédie bien caustique pour souligner l'impressionnant tissu de bassesses et de compromissions qui semble être parfaitement homogène. Il prend un malin plaisir à montrer toute l'hypocrisie disséminée dans ces hautes sphères et au sein de cet immeuble magnifiquement bourgeois. Deux particularités notables dans Pot-Bouille : la férocité de la description de ce microcosme, aidée en cela par des dialogues souvent acérés, et la liberté de ton exquise pour accompagner les coucheries et autres infidélités littéralement omniprésentes. Des seins, des fesses, des maitresses connues des épouses résignées, le tout enveloppé dans un humour du portrait vraiment délectable.

Au milieu de tout ça, Gérard Philipe en arriviste remarquable qui se sert de ses conquêtes féminines comme autant de marches dans l'escalier de la réussite sociale, pour se frayer un chemin dans la jungle du monde du commerce petit bourgeois. Le portrait qui en est fait est assez peu flatteur, tant l'absence de sens moral semble prévaloir tacitement, mais le cynisme quant à la nature humaine est constamment contrebalancé par cet humour satirique un poil piquant. Le plus drôle dans cette histoire étant sans doute la communication invisible entre le séducteur carnassier et ses proies, tous baignant dans le même intérêt égocentrique.

philipe.jpg, juil. 2020