Un film sur la guerre de Sécession assez passionnant, et extrêmement curieux tant sur le plan des points de vue adoptés (politiques, historiques) que sur celui de ses maladresses (en termes de mise en scène essentiellement). Et c'est Gary Ross le réalisateur du premier Hunger Games qui s'y colle, chose au moins aussi surprenante que les apparences de Free State of Jones dont l'affiche laisse imaginer un téléfilm de seconde zone parfaitement inintéressant pour un public non-états-unien... alors qu'il regorge de dispositions rarement vues ailleurs.
Très clairement sur ce versant-là, le film est incroyable. Il nous montre les agissements d'une sorte de Robin des bois du Mississippi (Newton Knight, selon un récit apparemment assez factuel sur de nombreux points) qui fédéra autour de lui une révolte de paysans pauvres et d'esclaves en fuite afin de lutter contre les armées confédérées. C'est un film américain qui nous fait une petite leçon sur la lutte des classes, sur la nécessaire union des minorités contre les oppresseurs, etc. Autant de choses qui doivent paraître totalement lunaires là-bas. Il aborde énormément de points intéressants sur les dilemmes moraux, sur les contraintes qui s'exerçaient, mais aussi et surtout sur la période de transition à la fin de la guerre — qui ne signe pas du tout immédiatement et comme par magie la fin de l'esclavage. C'est sans doute le seul film que j'ai pu voir traitant de ce sujet de manière aussi frontale.
Le film évolue à ce titre dans la même catégorie que 12 Years a Slave, Django Unchained ou encore Lincoln mais boxe vraiment dans une autre catégorie politique. Il est assez violent, montre la saleté de la guerre avec férocité, et aurait pu être un très grand film si sur le plan technique le niveau était aussi élevé. Car il flotte sur l'ensemble un petit air didactique qui peut être désagréable de temps en temps (des scènes trop illustratives par exemple), et un sentiment de non-exploitation — typiquement les affrontements dans les marais auraient pu être bien mieux mis en scène. Pas sûr que Matthew McConaughey convienne vraiment dans le rôle principal du héros en guerre contre l'injustice (mais j'ai bien aimé Mahershala Ali dans celui de Moses Washington), et pas sûr que le parallèle avec l'époque contemporaine soit bien intégré (avec observation rapide d'un descendant de Knight victime de ségrégation bien que blanc). Mais ce Free State of Jones reste à mes yeux un ovni cinématographique suffisamment insolite, dans ses motivations politiques, pour être relevé.
We do hereby proclaim and affirm the following principles.
Number one, no man ought to stay poor so another man can get rich.
Number two, no man ought to tell another man what you got to live for or what he's got to die for.
Number three, what you put in the ground is yours to tend and harvest and there ain't no man ought to be able to take that away from you.
Number four, every man is a man. If you walk on two legs, you're a man. It's as simple as that.
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18/02/2025, 23:45
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Intrigant, again! Un billet lecture qui alimente une vraie envie, encore, merci.
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Ah ça, on s'en souviendra très longtemps je pense, de cette rando-là... Il sera…
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