« Vous êtes invités à monter à bord d'une voiture bondée, qui roule à travers un paysage désolé, par une nuit noire. Vous serez coincés entre un policier atrabilaire, un homme menotté et un jeune médecin qui se demande ce qu'il fait là. Vous allez cheminer dans une obscurité croissante, à la recherche d'un endroit vaguement défini (une fontaine, un arbre...) où l'homme menotté a peut-être enterré sa victime. La divagation dans la nuit d'Anatolie est éprouvante, d'autant qu'elle reste longtemps infructueuse. Cette épreuve a été conçue pour vous, spectateurs d'Il était une fois en Anatolie. » (1)
L’intrigue policière fonctionne à son plein dans la première heure du film. La pénombre troublée par le seul feu des voitures creuse les traits de ces visages emprunts de lassitude, et nous inspire un profond sentiment d’inquiétude. Le film pêche par longueur bien que la recherche du cadavre prenne une tournure étrange et mystérieuse. La nuit orageuse, les champs chahutés par le vent, les éclairs à l’horizon donnent sa propre atmosphère à l’histoire. Pressé par un policier de moins en moins patient, le meurtrier qui a avoué son crime semble confus, désorienté, et se sentira incapable de reconnaître le lieu où il a enterré sa victime sous le poids de la fatigue.
Peut-être n’arriverez-vous pas jusqu’à la fin du film partagé entre lassitude, langueur et solitude. N’en reste pas moins que ce film imprime des plans d'une beauté saisissante avec ses sublimes images nocturnes du fin fond de la Turquie rurale. Il faut voir cette scène où, dans un clair-obscur propice à la rêverie, les hommes somnolant sont cueillis par le regard d’une jeune fille qui vient leur servir le thé. Elle se tient derrière la lampe à pétrole qu'elle porte avec elle. Un ange passe. Et, le silence dit long sur la tristesse, le ressentiment et la fragilité de ces hommes sur chacun desquels plane le souvenir d'une femme.
C'est une histoire fleuve qui se termine auprès du médecin légiste pratiquant l'autopsie du cadavre. Aucun flash-back ne reviendra sur les faits, le spectateur sera à même de deviner l'enchaînement de cet homicide à placer dans les sombres pages des faits-divers.
(1) Ce synopsis vient d’une chronique de Thomas Sotinel parue dans le journal le Monde. Un très bel article sur le film dont je vous invite à lire la suite ici.
2 réactions
1 De Renaud M. - 05/06/2012, 20:22
J'ai somnolé au cinéma, pour la première fois de ma vie, en regardant ce film. Le rêverie au milieu du film, lorsqu'ils boivent le thé dans la pénombre, a pris une dimension tout à fait singulière...
Il n'empêche, j'ai beaucoup aimé le contraste entre d'un côté la sobriété de la mise en scène et le tragique de l'histoire, et de l'autre cet humour distillé tout au long du film par les différents personnages (le procureur et ses problèmes de prostate, les ressemblances d'un perso avec Clark Gable, le corps trop volumineux pour le coffre de la voiture, etc). Je reste marqué par la dernière scène, ce regard perdu dans l'horizon et cette métaphore autour du sang qui macule le médecin – alors qu'il maquillait, au nom de l'apaisement, le rapport de l'autopsie.
2 De Gilles - 06/06/2012, 13:11
oui, les dialogues sont parfois drôles, et les comiques de situation excellents. La scène du corps trop volumineux pour le coffre de la voiture m'a fait aussi beaucoup rire. La question du procureur au détenu s’interrogeant sur l'infamie d'avoir attaché la victime pieds et points liés trouve finalement une réponse pragmatique, et on ricane de voir le policier à son tour confronté à la même complication.
C'est dommage que le film dure plus de deux heures car il fourmille de bonnes idées, et les acteurs sont impressionnants de justesse.