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Une bande d'escrocs, un soupçon de morale

Il bidone (ie l'arnaque) sort l'année après La strada mais c'est bien du film sorti l'année précédente, Les Vitelloni, qu'il se rapproche bien plus, et pas uniquement parce que Giulietta Masina ne tient ici qu'un rôle secondaire. À travers le parcours du personnage interprété par Broderick Crawford, douloureux et non dénué de séquences humiliantes, le film s'inscrit dans une logique de rédemption et prend même, dans sa toute dernière partie, une tournure extrêmement moralisante — peut-être un peu trop d'ailleurs à mon goût.

La première moitié du film est vraiment intéressante, avec cette tonalité quasiment indescriptible pour décrire les agissements de la bande d'escrocs minables qui montent des coups de gros salauds pour aller dépouiller les gens les plus pauvres qui soient. On ne sait pas du tout sur quel pied danser, un peu de cynisme, un peu de cruauté, beaucoup d'humour aussi malgré tout dans la mise en scène de ce spectacle digne d'une pièce de théâtre avec les trois larrons déguisés en ecclésiastiques, perdu au fond de la campagne pour simuler la découverte d'un (faux) trésor proche d'ossements afin d'en demander une maigre dîme en compensation. L'escroquerie est bien ficelée, les auteurs en font des caisses, et on rit de bon cœur jusqu'à ce qu'on mesure l'étendue de leur cupidité. Ils parcourent l'Italie en quête de nouvelles victimes parmi les plus pauvres, ceux à qui on peut plus facilement faire miroiter une somme fictive qui les sortira de la misère.

Puis Fellini s'engage sur la voie de la dernière escroquerie, principalement pour l'un des trois, au terme d'un changement de perspective, entre la révélation humiliante en soirée mondaine d'un vol et la redécouverte d'une vie de famille, ou plutôt de ce qui en serait un mirage. Le sujet est sans doute moins subtil que d'autres essais de Fellini mais le portrait d'anti-héros se révèle bien plus consistant que prévu, en cultivant une certaine ambiguïté. Très peu de jugement tout de même, on est vraiment dans l'esquisse des faiblesses des uns et des autres, dans des parcelles de désespoir insoupçonnées. Le rire devient gêné, lorsque le cynisme et la méchanceté finissent par l'emporter. Et le sous-texte portant sur les préjugés, sur la croyance et sur le pouvoir des apparences, davantage que le versant moraliste avec ses figures saintes bafouées, prend presque le dessus dans les derniers temps.

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