L'exploration du versant "films noir" de la filmographie de Nicholas Ray se révèle très riche en élargissement des horizons, sur des territoires extrêmement différents de ceux définis par ses œuvres les plus connues comme Rebel Without a Cause et Johnny Guitar. C'est ici un film policier des 50s très étonnant, co-réalisé avec Ida Lupino (qui interprète également un second rôle dans lequel elle est très convaincante), qui fait preuve d'une rupture de ton franche tout à fait inhabituelle, toutes époques confondues. C'est quasiment un film coupé en deux, avec une première partie urbaine concentrée sur une enquête autour du meurtre d'un policier, et une seconde partie rurale perdue dans des paysages enneigés à la poursuite d'un autre fugitif. Ce second segment fait à ce titre beaucoup penser à un autre film noir dans la neige, Poursuites dans la nuit aka "Nightfall" de Jacques Tourneur qui lui aussi, d'ailleurs, proposait une alternance entre ville et campagne.
Robert Ryan reprend en quelque sorte le rôle du violent (flic ici en l'occurrence) de Humphrey Bogart dans In a Lonely Place, un gars aux méthodes qualifiées de musclées et critiquées par ses collègues et supérieurs. Il en fait preuve durant toute la première partie, jusqu'à ce qu'il soit envoyé paître à la campagne en guise de punition pour se détendre. Cette première partie est intrigante à plusieurs titres, principalement pour une composante qu'on pourrait qualifier de réaliste au travers des nombreuses séquences montrant les policiers chez eux en train de se préparer pour aller bosser. L'ambiance y est tendue sur 30 minutes, plongée dans la nuit, sans que le cœur des enjeux ne soit à proprement parler détaillé — on sait juste qu'un flic a été tué et que deux hommes sont en fuite. Tous les codes du film noir sont présents. Y compris les tirades : "Friends? Cops have no friends. Nobody likes a cop." ou encore "The city can be lonely too. Sometimes people who are never alone are the loneliest."
C'est au contact de la neige campagnarde (et du personnage de Lupino, une femme aveugle et touchante) qu'il se découvrira un cœur, en quelque sorte. Le virage avec la première partie est brutal, dépaysement total, cette fois-ci dans un environnement diurne. Bon, c'est là aussi que La Maison dans l'ombre (le titre original est "On Dangerous Ground") trouve sa principale limite, à savoir la faiblesse de la profondeur psychologique des personnages. Ryan se transforme en un clin d'œil ou presque en flic droit et juste, il maîtrise son comparse violent, il découvre les vertus de l'amour salvateur, etc. Zéro transition non plus du côté de l'enquête, si on rate 5 minutes on peut penser qu'il est encore sur la même piste bien que déporté loin de la ville. Un peu dommage car les deux blocs de solitudes qui se rencontrent auraient mérité plus de développement, moins de facilités, et une conclusion moins abrupte. De même, le personnage du sidekick violent se trouve une conscience sitôt le gamin tué : c’est une évolution morale quelque peu expéditive et sans finesse de trait.
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03/11/2024, 08:44
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Ah ! Merci pour le rappel de la ref, j'avais bien aimé cette chronique ! :)
02/11/2024, 22:51
Une idée de lecture. Au détour d’une chronique de Laélia Veron sur le procès…
02/11/2024, 22:10
Roh salauds de photos-monteurs..!
29/10/2024, 12:32
Quel chineur de compétition ! Et je crois que ce n'est pas encore l'originale :…
29/10/2024, 11:55