Étonnante chronique sociale en immersion dans un petit coin de ruralité du centre de la France, aux côtés du docteur Sachs (Albert Dupontel). Le film démarre en trombe, avec un méli-mélo de voix intérieures formant les prémices désordonnées d'un portrait déstabilisant dans un premier temps : on ne sait pas très bien où l'on est ni de qui on parle, et la succession confuse de scènes et de personnages déroute fortement. Pourtant, au-delà des saccades du montage, la narration sait conserver une dynamique très fluide, comme si tous ces morceaux d'échanges entre le docteur et ses patients étalés de manière chaotique finissaient par former une unité supérieure. Peu à peu, au milieu de ce fracas, les choses se précisent et la mise en scène se stabilise.
La Maladie de Sachs brille par son refus d'une convention classique en matière de narration de fiction, à savoir une progression dramatique en crescendo. On pourrait parler de tranche de vie, d'instantané, de chronique. Ici le récit est bâti au creux d'une très belle horizontalité, sans effet de manche, avec le personnage du docteur un peu mystérieux perdu au milieu de la foule bigarrée de ses patients et de son environnement. Le ton est très intimiste, empreint d'une grande sobriété (que l'on pourrait rapprocher de celle mise en œuvre dans Le Dossier 51) qui empêche d'avoir rapidement accès à ses états d'âme. On sent bien que quelque chose le tourmente à l'intérieur, quelque chose de très subtil, une sorte d'inconfort alimenté autant par de la colère que de l'impuissance. Et c'est à travers cet équilibre-là que Michel Deville parvient à dresser une mosaïque humaine et sentimentale aussi pertinente.
La narration éclatée du point de vue temporel met en correspondance le passé et le présent, les parents et les enfants, les cyniques et les humanistes. Il y a les médisances de village (qui sonnent vraiment très juste), l'intériorisation du soignant (qui convient très bien à un Dupontel presque aphasique), et les élans sentimentaux qui balaient un large spectre à la faveur des multiples confessions dans le bureau du docteur. La souffrance morale qui se cache derrière le titre est dépeinte avec beaucoup de détours et de nuances (on pourrait presque ne pas y prêter attention), à travers les non-dits et les tentatives ratées, dans les sautes d'humeur malgré tout contenues, et dans une série de rapports sociaux qui naviguent constamment entre différents niveaux de gravité et de cocasserie, sans aucune discontinuité de tonalité. Sans jamais appuyer lourdement, les doutes du docteur Sachs finissent par imprégner le tissu ambiant, et quelque chose d'essentiel finit par émerger de ces petits panoramiques, de l'ordre de la compassion aussi sèche que touchante.
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