Dans un coin de campagne grecque des années 60, une famille de paysans propriétaires terriens : le père autoritaire, la mère effacée, la fille entre deux mondes, le fils dont le portrait laisse assez vite entrevoir des difficultés d'ordre psychiatrique, et leur jeune servante sourde-muette. Un jour, un drame survient, un homicide involontaire après une agression (sexuelle) plonge le foyer dans une crise tétanisante, en même temps qu'il lie malgré eux tous les membres de la famille dans la tragédie et dans la dissimulation du corps que père et fils iront jeter dans un lac avoisinant. Et ils pensent que cette virée macabre dans leur barque fendant les roseaux lacustres sonnera la fin des ennuis...
Il y a dans O Fovos un entrelacs de motifs assez classiques sur la thématique de l'oppression familiale, du carcan moral en milieu rural, et de tout un spectre de frustrations variées au milieu desquelles trône la frustration sexuelle (le fils subit durement sa trentaine vierge, pourrait-on dire pour résumer brutalement), qui aurait pu dans d'autres circonstances aboutir à un film convenu et paresseux. Mais Kostas Manoussakis, pour son troisième et dernier film, a su réunir autour de lui les talents de personnalités dont le travail, toutes proportions gardées, fait écho à celui de Tony Richardson pour Mademoiselle (1966) et Kaneto Shindō de Onibaba (1964).
La Peur, jolie pépite du cinéma grec, entraîne lentement mais sûrement dans une atmosphère malsaine, de temps en temps suffocante, pour dépasser de manière originale le simple statut d'énième film prenant pour thème les pérégrinations d'un frustré des campagnes aux tendances psychotiques. À vrai dire, la peur éponyme, c'est celle du coupable à l'origine de la tragédie auquel le film nous pousse (voire nous contraint) à nous identifier, à partager les angoisses et la sensation d'être considéré comme un animal par ses proches. Tout n'est pas réussi dans la mise en scène, mais la confection de cette ambiance sonore dérangeante avec ses musiques et bruitages dissonants, ainsi que la représentation des accès de folie tantôt incapacitante, tantôt violente, forment des atouts incontournables de cette vision de la ruralité loin de l'idylle. La scène finale qui met en scène un bal de mariage, avec chorégraphie des corps qui forment une ronde autour du protagoniste au creux d'un montage de plus en plus percutant qui s'accorde à la musique pour faire exploser l'animosité latente insoutenable, en marge de la découverte du corps, est vraiment exceptionnelle.
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Les mémoires de Herzog sont dans mon viseur bien entendu... Ils passeront…
03/11/2024, 08:44
De rien. Mais il va falloir faire un choix ;-) (Ou encore ——->[])
03/11/2024, 00:43
Ah ! Merci pour le rappel de la ref, j'avais bien aimé cette chronique ! :)
02/11/2024, 22:51
Une idée de lecture. Au détour d’une chronique de Laélia Veron sur le procès…
02/11/2024, 22:10
Roh salauds de photos-monteurs..!
29/10/2024, 12:32
Quel chineur de compétition ! Et je crois que ce n'est pas encore l'originale :…
29/10/2024, 11:55