Très surprenante découverte que ce film d'épouvante situé dans un internat pour jeunes filles, à l'atmosphère étrange puis inquiétante, qui se transforme petit en petit coupe-gorge pour filer tout droit vers sa conclusion au sommet de l'horreur... Et non, il ne s'agit pas de Suspiria, il ne s'agit pas même d'un giallo italien mais d'un thriller espagnol (avec une actrice allemande au casting, Lilli Palmer) dépourvu de fantastique réalisé à la fin des années 60, près d'une décennie avant le grand classique de Dario Argento. Autant dire qu'il est presque impossible de ne pas établir des passerelles entre les deux œuvres tout au long du visionnage.
Avec le recul le scénario autant que la progression de la dramaturgie sont littéralement transparents : une fois la scène d'exposition posée et les principaux personnages établis, on voit quasiment tous les fils narratifs apparents. On voit très bien les relations malsaines par-ci et les fausses pistes montrées outrageusement par-là. Il n'empêche que La Residencia développe sa toile horrifique dans un cadre saisissant, au sein de ce pensionnat gorgé de couloirs, de portes fermées à clés, de murs en pierre, et de passages labyrinthiques. C'est sans doute plus dû au hasard mais plusieurs aspects évoquent le Carrie de Brian De Palma et la scène des douches en introduction pourrait même être une évocation directe de celle présente ici.
On peut apprécier en outre la pondération dans la présentation de la relation entre la directrice et son fils, dangereusement incestueuse, qui ne s'interdit pas pour autant quelques séquences hautement symboliques et mises en scènes plutôt adroitement — surtout pour une réalisation qui remonte à 1969. Il se dégage une atmosphère de frustration intense au sein du groupe de jeunes filles (la scène où une fille parvient à s'accorder un moment de plaisir dans la grange tandis que toutes les autres sont "prisonnières" en classe est redoutable), qui se mélange à la tension horrifique sourde et grandissante dans cet environnement oppressant. Les jalousies et les humiliations trouvent dans ce cadre presque gothique un terreau de choix pour s'exprimer tragiquement.
2 réactions
1 De Jim - 20/09/2023, 11:43
J'aime beaucoup le cinéma d'Argento (grande époque) et pourtant je n'ai pas fait le rapprochement avec Suspiria. Comme quoi...
J'ai bien aimé ce film de Serrador qui effectivement ne joue guère sur les rebondissements mais bénéficie d'une belle atmosphère, tenue tout du long.
Ça reste en deça de son chef-d'œuvre ¿Quién puede matar a un niño? (Les révoltés de l'an 2000) mais c'est plaisant.
2 De Renaud - 20/09/2023, 11:54
Haha, bon il est très possible que le rapprochement avec le giallo (d'Argento ou d'autres) ne soit pas aussi limpide que ce que mon billet peut laisser penser, mais vraiment, j'y ai pensé tout le long du film. Et la conclusion avec révélation à la clé m'a conforté dans cette idée.
Merci pour le rappel concernant son film le plus célèbre que je n'ai toujours pas vu !