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Réflexe de l'enfermement

Jean-Pierre Mocky a beaucoup tourné en tant qu'acteur dans les années 40 et 50, et La Tête contre les murs signe la fin d'une période prolixe puisqu'il ne jouera plus que dans 6 longs-métrages après celui-ci, au cours des six décennies qui suivront. Il souhaitait réaliser cette adaptation d'un roman autobiographique d'Hervé Bazin mais jugé trop peu expérimenté à l'époque par les producteurs, il choisit Georges Franju pour le remplacer — à l'époque auteur de courts-métrages seulement, dont le très marquant Le Sang des bêtes.

Malgré toutes les bonnes intentions derrière ce projet qui entend dénoncer le mauvais traitement des maladies psychiatriques dans la vieille France, il n'en reste pas moins difficile d'apprécier la confrontation qui est faite entre deux types de prises en charge de ces patients qu'on appelait simplement "fous" à l'époque. Ces deux paradigmes sont pragmatiquement représentés par deux personnages : Pierre Brasseur le représentant de la médecine traditionnelle et autoritaire, se montrant volontiers violent avec les plus récalcitrants et parfaitement certains de ses diagnostics apposés après quelques observations succinctes, et Paul Meurisse le symbole de la psychiatrie plus moderne et libérale, respectueuse de ses patients, faisant la part belle à l'écoute et au soin. L'opposition entre les deux donne lieu à un affrontement feutré qui se révèle à de rares occasions assassin, la plupart du temps cantonnée à un échange d'arguments sans réelle interaction.

Franju (et Mocky) se montre en outre très conventionnel, rétrospectivement, dans la dénonciation de l'hypocrisie des différentes parties — famille et institution. La faute aussi à une mise en scène un peu trop rigide, un peu trop mécanique, avec ses séquences d'exposition bien sages (quand bien même elles seraient composées avec tout le talent qu'on connaît de la part du futur réalisateur des Yeux sans visages) et sa multiplication de champs / contre-champs. Jean-Pierre Mocky a quelque chose de touchant dans sa façon d'interpréter un peu naïvement le passionné et l'idéaliste, qui se fait interner par son père après avoir brûlé un dossier et piqué du fric. Ça déconnait vraiment pas...

On pense presque inévitablement aux films qui viendront sur les même thématiques, Shock Corridor de Samuel Fuller (1963) et Vol au-dessus d'un nid de coucou de Miloš Forman (1975) par exemple, ces derniers offrant des pistes de réflexion à mes yeux beaucoup plus fertiles et passionnantes. À noter qu'ici Anouk Aimée et Charles Aznavour tiennent des rôles émouvants, mais il faudra attendre encore quelque temps pour que le style de Franju s'affirme et se déploie plus harmonieusement.

img1.jpg, août 2023 img2.jpg, août 2023 img3.jpg, août 2023 img4.jpg, août 2023 img5.jpg, août 2023