Le Retour du Gang de la Clef à Molette (Hayduke lives! en V.O.) est un roman écrit en 1989 par Edward Abbey, traduit de l'américain par Jacques Mailhos. Il s'agit de la suite des aventures des membres de l'écolo-gang le plus célèbre et le plus déjanté au monde, relatées quinze ans plus tôt dans Le Gang de la Clef à Molette (chroniqué ici).
Mais qu'est-il arrivé aux héros écolos, intrépides et insolents qui sévissaient à l'ouest du Pecos (affluent du Rio Grande), aux frontières de l'Utah et du Nevada ? L'activisme d'antan et le sabotage certifié bio semblent avoir été relégués au second plan. Doc Sarvis et Bonnie Abbzug, qui se sont mariés entre les deux volumes, pouponnent tranquillement avec leur chérubin Reuben — en attendant le suivant (ou la suivante, selon Bonnie). « Seldom Seen » Smith organise des excursions en canoë pour touristes et gère ses deux ou trois ménages — il est mormon et en profite tant qu'il peut. Seuls George Hayduke et un mystérieux cavalier solitaire perpétuent la lutte ancestrale de l'homme allié de la Nature contre l'homme allié de la Machine. Car il y a du boulot : le super-excavateur géant GOLIATH, le plus terrifiant engin jamais construit par l’homme, menace les déserts de l’ouest. Lentement mais sûrement, réduisant à néant tout ce qui se présente sur son passage (forêts luxuriantes, genévriers en fleurs, tortues centenaires), il se dirige vers le site d'une future mine d'uranium, nouvel Eldorado de la région. L'évêque Mgr Love, dont la cupidité n'a pas fléchi avec les années, rêve de construire de luxueux hôtels au milieu des quelques terres vierges restantes et n'hésite pas à déguster à pleines dents du minerai radioactif en public pour persuader l'opinion commune du caractère inoffensif de l'énergie nucléaire.
Heureusement, le mouvement « Earth First! », dénué de chef mais représenté par la délicieuse scandinave Erika, est bien présent et proteste activement contre les méfaits de la société industrielle en manque de terrains constructibles. Amoureux des sites sublimes de l'Amérique sauvage, de ses rapides comme de ses canyons, les guerriers de l'écologie ne reculent devant rien, pas même devant les tonnes d'acier motorisées qui se font chaque jour plus menaçantes.
Le deuxième round peut commencer...
Les ingrédients qui ont fait la réussite et la renommée du premier opus demeurent : dialogues crus et potentiellement graveleux de personnages hauts en couleur, envolées lyriques quand il s'agit de décrire les paysages bucoliques de l'ouest américain, et final époustouflant où convergent toutes les tensions, toutes les inconnues du récit. Même si le roman d'Abbey peut par endroits manquer de renouveau par rapport à l'œuvre première, l'intensité du plaisir suscité est telle qu'on ne saurait se priver de cette friandise.
« One final paragraph of advice: do not burn yourselves out. Be as I am – a reluctant enthusiast….a part-time crusader, a half-hearted fanatic. Save the other half of yourselves and your lives for pleasure and adventure. It is not enough to fight for the land; it is even more important to enjoy it. While you can. While it’s still here. So get out there and hunt and fish and mess around with your friends, ramble out yonder and explore the forests, climb the mountains, bag the peaks, run the rivers, breathe deep of that yet sweet and lucid air, sit quietly for a while and contemplate the precious stillness, the lovely, mysterious, and awesome space. Enjoy yourselves, keep your brain in your head and your head firmly attached to the body, the body active and alive, and I promise you this much; I promise you this one sweet victory over our enemies, over those desk-bound men and women with their hearts in a safe deposit box, and their eyes hypnotized by desk calculators. I promise you this; You will outlive the bastards. »
Edward Abbey

D'autres citations et aphorismes du monsieur : http://people.tribe.net/shamanjamin/blog/647768d3-44dc-4bee-9200-bec0d317009c.
4 réactions
1 De Gilles - 17/09/2012, 19:23
J'ai terminé il n'y a pas longtemps Yucca Mountain, une investigation de John d'Agata qui revient sur le projet d'implantation du site central de stockage de déchets nucléaires à Yucca Mountain, une montagne poreuse qui se trouve à 140 Km de Las Vegas. Cet essai se lit comme un roman, et le récit est passionnant, très documenté, et fourmille d'idées. Mais je reviendrai bientôt sur le contenu ahurissant de ce livre dans une chronique.
Au cours de son enquête, John d'Agata a croisé Joshua, le fils de Edward Abbey, par un concours de circonstances. Voici un extrait du passage en question :
:-(
2 De Renaud M. - 18/09/2012, 12:57
Mais quoi qu'il en soit, si l'on ne devait retenir qu'un seul point de sa biographie, ce serait sans doute la naissance de ces mouvements écolos, activistes et militants, auxquels il a su transmettre l'étincelle rebelle. Sans relancer le débat « Peut-on apprécier les écrits de LF Céline sans porter l'homme dans son cœur ? », à mon sens, le reste importe peu.
3 De chouchou58 - 25/09/2012, 07:51
Quelle belle maison d'édition que Gallmeister (cf. craig johnson ou bruce machart, ...)
4 De Renaud M. - 28/09/2012, 19:27
En effet, je trouve aussi que Gallmeister soigne particulièrement ses bouquins. Il y a de très belles images du Monument Valley dans les romans d'Abbey. Des auteurs dont tu parles, je ne connaissais que Le Sillage de l'oubli, de Bruce Machart. Je garde ça derrière l'oreille... Merci !