D'une œuvre de commande pour la Standard Oil Company du New Jersey destinée à illustrer les difficultés de la recherche pétrolière dans un milieu aussi difficile que les marais de Louisiane, Flaherty parvient à composer un film très étonnant, à la croisée des mondes, entre industrie moderne et permanence de la nature. Un peu comme l'intrusion chez les Inuits après en avoir capté le mode de vie dans Nanouk l'Esquimau, Louisiana Story reprend cette conception duale pour montrer, contre toute attente, l'alliance quasi merveilleuse d'un panthéisme volontairement naïf et de l'essence de la connaissance scientifique. À une époque où, cela va de soi, la prospection pétrolière bénéficiait d'un consensus particulièrement contrasté avec les problématiques de la nôtre.
Si l'activité sur le derrick est retranscrite comme un travail de groupe, dépendant de la solidarité des hommes, de la précision de leurs gestes techniques et de l'apport de l'industrie (avec de nombreux plans centrés sur les objets métalliques imposants qui coulissent, qui vissent, qui creusent), il coexiste une contrepartie tout aussi importante dans le bayou, en compagnie d'un jeune cajun, Uri, lors de ses promenades en pirogue. C'est d'ailleurs de son point de vue, à la fois inquiet et émerveillé, que tout le film émergera. Louisiana Story concentre ainsi une grande partie de son action à la description de ce milieu mystérieux, partagée entre la faune diversifiée et la flore luxuriante, dans un coin sauvage grandement photogénique dont Flaherty parvient à capturer toute la puissance merveilleuse.
C'est d'ailleurs ce qu'on pourra reprocher, si on n'y est pas sensible : la candeur du point de vue, entièrement contenu dans celui du jeune garçon cadien parcourant ces étendues marécageuses de la Nouvelle-Orléans en compagnie de Jojo, son raton laveur. Mais pour peu qu'on y soit réceptif, le film compose avec la notion de relation et de confrontation douce entre la nature et la civilisation, l'homme et la machine, etc. L'action de l'homme sur l'environnement et les conséquences qu'elle engendre sont tout juste esquissées — ou plutôt disons que la pollution d'une zone naturelle, suite à un accident qui aura fait se déverser de grandes quantités de pétrole dans ce lieu idyllique, est abordée avec un détachement (celui de son époque, cela va de soi) qui peut prêter à sourire. En revanche, l'intrusion du progrès tout mécanique dans cet Éden naturel, l'implantation de la machinerie d'acier dans ce microcosme dominé par les alligators, tout en innocence et en pacifisme, produit une image étonnamment harmonieuse. Comme un changement d'une utopie vers une autre, après l'interpénétration de deux univers.
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