Pottsville, 1280 habitants, de Jim Thompson (2016) Coup de Torchon, Bertrand Tavernier (1981)

Ma première rencontre avec l’œuvre de Jim Thompson, je la dois à l’adaptation cinématographique de Bertrand Tavernier avec l'immense - au propre comme au figuré - Philippe Noiret. Le nihilisme et le bagout du personnage central qu'il incarnait dans Coup de torchon (1981) m'avaient ébahi-hi, comprendre : j'ai beaucoup ri. Même en choisissant de déplacer l'action du Texas vers l'Afrique dans une colonie française des années 30, Bertrand Tavernier réussit à raconter le cheminement sur une ligne de crête d'un shérif qui pratique une morale abasourdissante et fait preuve d'un grand sens de l'inaction, du moins en apparence.

C'est tout récemment que je dévora enfin ce roman de Jim Thompson paru en 1961 aux États-Unis. Concernant la traduction, il est de notoriété que la traduction française datant de 1964 a amputé la petite ville de Pottsville de cinq habitants dans le titre et tronqué l'histoire de plusieurs passages. C'est seulement en 2016 qu'une traduction intégrale est parue chez Rivages. La lecture du roman n'a rien de vain si on a vu le film, et vice-versa. Le contexte faisant, on y croise des salauds et des crapules avec un pedigree différent.

C'est à travers la voix de Nick Corey lui-même que l'histoire nous est racontée, shérif du comté de Pottsville au Texas, un lieu qui compte 1280 âmes au début de l'histoire.  Selon la coutume américaine, le shérif est une fonction élective, et implique donc des élections, et implique donc une campagne électorale. Nick n'aime pas beaucoup travailler, il lâche prise, il ferme un œil chaque fois qu'il le peut : et quand il s'agit de malhonnêtes gens qui ont de l'argent et du pouvoir, il ferme les deux. Pourtant ces nouvelles élections et des circonstances concomitantes bouleversent son modus operandi pour assurer la tranquillité dans la ville... Nick a aussi une propension pour les anicroches avec sa femme (terrifiante) et pour les idylles amoureuses qui peuvent parfois l'entraver dans l'exercice de ses fonctions. Au rayon des polars truculents, Pottsville, 1280 habitants restera encore longtemps un spécimen de choix pour ses dialogues et son humour subversif.