reves_de_princesses.jpg, fév. 2022
Danse et drague senior

Sujet documentaire en or, angle mort très rarement évoqué : l'amour chez les vieux. Rêves de princesses aborde de front une thématique légèrement taboue, les rapports amoureux au sein des personnes âgées, à travers une variété de prismes allant du flirt occasionnel au sexe en passant par le désir pur et simple. La tendresse du regard de Vincent Desombre est évidente, il traite ses personnages avec beaucoup de respect, et se prémunie magnifiquement de tout ce qui pourrait tourner à la moquerie sans pour autant s'interdire quelques pointes d'humour et de dérision.

La cadre d'observation du cinéaste est parfait : un bal dansant, une guinguette comme beaucoup de grands-parents soixantenaires (et plus, la moyenne d'âge doit tourner autour de 70 ans) fréquentent, mais pas n'importe lequel. "Chez Lulu", un endroit où des centaines de personnes se rejoignent, certaines d'entre elles ayant parcouru la moitié de la France pour venir danser et sans doute trouver l'âme-sœur. On atteint le millier de participants les jours de forte affluence.

Avec beaucoup de délicatesse, sans commentaire, on découvre très naturellement les aspirations des uns et des autres. Une grande proportion de femmes, à cet âge-là, entre 4 et 5 pour 1 homme (et ce qu'on imagine en termes de rivalité), des retraitées, des veuves, des divorcées, des célibataires. Il est très amusant de découvrir les questions qu'elles se posent sur les prétendants qui leur font la cour — l'équivalent du plan cul pour un soir ou de la romance platonique. On découvre que le poids du regard des autres y est très présent, avec la peur du "qu'en dira-t-on" et les ragots qui circulent (une robe trop courte, trop transparente, etc.). On ressent une vraie difficulté à assumer ce que les différents intervenants recherchent, que ce soit entre personnes âgées (en lien avec la dignité, pour ne passer pour une "femme facile") ou en rapport avec ses enfants (en lien avec le tabou déjà cité, la peur du jugement).

Pour les autres, danser, c'est ne pas penser à la mort, là où beaucoup ont attendu longtemps après la mort de leur conjoint avant d'oser se divertir ainsi. C'est aussi briser une forme de solitude, en y mettant les moyens (des heures à s'apprêter pour l'événement, des heures de route). Au final une belle collection de témoignages, de confidences, d'anecdotes, sans pathos, sans souci d'exhaustivité, avec des séquences hilarantes (comme par exemple le coup d'une femme au sujet des hommes âgés : "on sent que c’est leur dernière ligne droite, c'est comme une mitraillette").

bal.jpg, fév. 2022 duo.jpg, fév. 2022