Un film de Pierre Granier-Deferre très bizarre, qui recherche et qui travaille beaucoup cette sensation d'étrangeté qui ne variera pas du début à la fin. Même si on sent assez vite où le film nous embarque, le voyage conserve son charme et maintient un intérêt sur la durée, chose assez surprenante. Sur le plan théorique, Une étrange affaire a tout du scénario basique et programmatique, avec son jeune publicitaire paumé au sein de sa boîte qui se transforme au contact d'un nouveau directeur. On pense que tout se résume à une histoire d'arrivisme dans le monde du travail comme on en a vu des wagons entiers (plutôt dans les années 1990 / 2010 cela étant dit), mais progressivement une autre composante se met en place, à la lisière du fantastique.
La grande réussite tient à mon sens à la distribution des rôles, et en premier lieu ceux de Gérard Lanvin et Michel Piccoli. Lanvin avec son physique de baroudeur (malgré sa jeunesse notable) dans la peau d'un personnage peu sûr de lui et qui se retrouve de plus en plus impuissant sous l'emprise de son supérieur, c'est une belle trouvaille — quand bien même ce ne serait pas le plus talentueux des acteurs. Et Piccoli, dans son rôle de patron envahissant qui ne fait absolument pas dans la demi-mesure, voilà de quoi marquer les esprits. Initialement, le sentiment qui survient en premier tient davantage à une gêne liée à l'exagération, à la caricature, aux gros traits des portraits. Et petit à petit, la gêne migre et se déploie dans une autre direction, moins évidente.
C'est aussi parce qu'on pense qu'il s'agit d'un film sur les relations hiérarchiques, sur le monde du travail, alors que cette grille de lecture s'avèrera particulièrement mineure à mesure que progresse le récit. Il y a bien sûr un versant réaliste, dramatique, pragmatique, avec notamment les interactions concernant Nathalie Baye, la femme du protagoniste, il y a également une émanation psychanalysante sur la fin avec la figure de l'absence du père, mais c'est malgré tout ce côté surréaliste qui domine l'ensemble. Avec ces allers-retours incessants entre bureaux et appartements où l'on ne fait que travailler sans jamais que le sens de ces travaux ne soit rendu explicite, avec ces personnages dignes d'une bande-dessinée que sont Jean-Pierre Kalfon et Jean-François Balmer, l'inconfort et le malaise sont permanents. Une histoire de séduction, de manipulation, de déstabilisation, et de perte totale de repères.
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Merci d'être passé par ici ! On m'a déconseillé la suite (je crois qu'il y en a…
30/11/2024, 18:41
Waow. Encore merci, incroyable. Le deuxième "épisode" vaut le coup aussi?
30/11/2024, 18:09