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Il était une fois la révolution mexicaine

Registre étonnant du Pre-Code américain, qui étend sa licence au-delà des interdits sur le territoire national : l'histoire de Pancho Villa, qu'on imagine cependant très éloignée de la réalité et modifiée pour correspondre aux canons hollywoodiens de l'époque. À ce sujet, la vision états-unienne de la culture mexicaine se fait régulièrement lourdingue, mais dans l'ensemble le ton mi-truculent mi-violent suffit à dépasser cette limitation. Étonnamment ce n'est pas Wallace Beery (ou même Fay Wray) dans le rôle du célèbre hors-la-loi qui creuse le plus grand malaise : il s'en sort même très bien dans le portrait de cet homme imprévisible, témoin de la mort de son père, orphelin à 12 ans, et futur général de la révolution mexicaine de 1910-1920.

Difficile de compartimenter les apports de chacune des trois personnalités convoquées à la réalisation (Jack Conway, Howard Hawks et William A. Wellman) mais en tous cas on ne ressent pas de structure hybride désagréable — probablement que Hawks avait quasiment terminé le travail avant de se faire congédier. C'est un récit classique du point de vue de la narration, avec des encarts réguliers nous informant des avancées historiques qui se jouent en contrepoint de ce qui nous est montré. Il faut reconnaître les caractéristiques très singulières de cette époque cinématographique à Hollywood, puisque la description des horreurs de la dictature à la fin du XIXe siècle est particulièrement forte — tortures diverses, accaparement des terres paysannes, répression de la rébellion. En toile de fond, le personnage de Pancho Villa gagne en épaisseur et prend du galon pour diriger la révolte des paysans.

Même si elle n'est pas montrée de manière explicite, impossible d'oublier la mise à mort d'un opposant à Pancho : plutôt que de l'exécuter au peloton comme la coutume l'exigeait, il demande qu'on le recouvre de miel et qu'on le laisse périr dans le désert, dévoré vivant par les fourmis. D'autres scènes semblent presque surréalistes, par opposition, comme celle où son ami journaliste annonce par erreur dans le journal qu'une ville a été conquise, ni une ni deux, le guérilléro se lance dans la conquête de ladite ville dès la séquence suivante... Ou encore ce final cousin de The Man Who Shot Liberty Valance, où le journaliste s'engage à perpétuer la mémoire de Villa, en disant à son ami mourant qu'il n'est plus une information anecdotique mais l'Histoire elle-même en train de s'écrire. Une vision romancée de la révolution mexicaine qui établit un point de comparaison non-négligeable avec les films italiens du western spaghetti à venir, beaucoup plus tard, dans les années 60-70.

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