Le programme est un peu trop évident dans son sillon de comédie dramatique très typée cinéma indie américain pétri de bons sentiments, mais Alexander Payne maintient assez bien le cap, en tous cas beaucoup mieux que son précédent Downsizing qui contrastait assez désagréablement avec le reste de sa filmographie. Dans The Holdovers, Paul Giamatti tient un rôle assez proche de celui qu'il occupait dans Sideways, à savoir un vieil intellectuel avec ses blessures intérieures qui va de manière plus ou moins involontaire être amené à renouer avec une certaine réalité, au moyen de relations sociales ténues mais renouvelées. Cela se faisait au travers du road trip d'un écrivain raté avec un ami au milieu des domaines viticoles hier, et aujourd'hui par un prof d'histoire contraint d'assurer la surveillance d'élèves ne pouvant pas rentrer chez eux pendant les vacances de Noël.
The Holdovers est un de ces films qui adoptent un regard sur une époque (même si l'action est située dans les années 70, avec toute la technique qui suit à commencer par la pellicule, le discours conserve une valeur actuelle) sans trop de concessions, parfois un peu secs dans leurs affirmations, mais in fine assez tendres dans la conclusion. Une grande partie est dédiée à l'association entre un vieux professeur bourru et hautain, apprécié de personne, dont la carrière ratée a été détruite par un événement à Harvard dont on prendra connaissance un peu tardivement dans le récit, et un de ses étudiants, le seul coincé pour les vacances avec la cheffe cuisinière (qui elle aussi aura ses douleurs révélées, un fils mort au Vietnam), assez doué et fin rebelle, abandonné par sa mère et son beau-père tandis que son père croupit dans un hôpital psychiatrique. Le vieil historien ultra cultivé qui se croît supérieur en tous points, presque flatté de n'avoir aucun ami, face au jeune étudiant turbulent juste comme il faut, on voit quand même dans cette description un début (euphémisme) de stéréotype, et à ce titre c'est un film plutôt à destination de personnes qui apprécient les belles tirades et les joutes verbales — sur fond de comédie sentimentale avec des êtres malmenés par la vie, certes. Giamatti est très bon dans son rôle, avec son strabisme divergeant plus visible que jamais (une référence assez drôle y est faite, pour indiquer quel œil il faut regarder) et ses punchlines d'intellectuel (souvent en latin, bien sûr, mais pas uniquement : "Life is like a henhouse ladder. Short and shitty").
Le trio improbable trouvera dans leur cohabitation forcée une sorte de havre de paix pour se reconstruire, un peu, et en apprendre davantage sur les autres, aussi. Beaucoup de sarcasmes dans cette ambiance froide et douce-amère, parfois à la limite de la mièvrerie. Le lien qui se crée entre le prof et l'élève reste malgré tout assez touchant, sur les thèmes du deuil, de la dépression, et de la solitude, jusque dans leur séparation.
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