Film de guerre, film de science-fiction à la lisière du post-apocalyptique, film s'inscrivant dans la continuité du conflit armé actuellement en cours dans le Donbass à l'Est de l'Ukraine, mais aussi, pour être tout à fait honnête, film d'auteur au sens un peu péjoratif du terme, dans l'acception d'un cinéma un peu poseur : Atlantis, c'est près de deux heures en immersion dans un futur proche ("2025, un an après la guerre" s'inscrit à l'écran dans les premières séquences), et dont 90% de la mise en scène repose sur des plans fixes en plans-séquences. Mais à partir du moment où l'on accepte ces prémices, ces partis pris narratifs et esthétiques parfois un peu excessifs (la laideur de l'affiche du film n'est en rien représentative des graphismes), l'expérience dystopique se révèlera incroyablement prenante.
Le réalisateur ukrainien Valentyn Vasyanovych reprend dans une certaine mesure le contexte historique et géopolitique de Frost (du lituanien Šarūnas Bartas, sorti en 2017) qui s'intéressait au sort d'une mission humanitaire aux confins du Donbass, en plein conflit. Ici, la temporalité s'inscrit résolument dans l'après-guerre, le conflit entre l'armée ukrainienne et les forces séparatistes pro-russes appartenant au passé — les corps des soldats des différentes forces, ensevelis dans la terre et la boue au sein des paysages dévastés et pollués par la guerre, sont là pour en témoigner. Les corps garnissent les sols aux côtés des mines antipersonnel, aux humanitaires de déterrer les premiers et aux militaires de faire exploser les seconds. Quelques séquences foudroient de leur sens du macabre, un corps en décomposition à la morgue ou un terrain d'exhumation de corps momifiés. Une séquence presque comique, tout de même, lors d'une conférence dans l'usine métallurgique au cours de laquelle un dirigeant annonce la fermeture du site sur fond d'images de Dziga Vertov.
La première moitié du film s'articule autour de deux anciens soldats ukrainiens souffrant de stress post-traumatique, reconvertis dans une fonderie : l'occasion pour Vasyanovych de composer quelques plans d'une beauté graphique sidérante, en jouant sur les teintes orangées du métal en fusion, sur les reflets bleutés des soudures et sur la minéralité ocre des sols. La désolation omniprésente des lieux offre un contraste assez classique avec la photographie extrêmement léchée (les plans fixes renferment toute la symétrie et toute la composition millimétrée qu'on peut imaginer), mais le film parvient tout de même à laisser la posture de côté. La seconde moitié, qui voit naître une relation d'amitié avec la volontaire d'une mission humanitaire, aide beaucoup le film à trouver sa respiration — on suffoque beaucoup, difficile de le nier. "It took you 10 years to cleanse this region of Soviet propaganda and myths", dira la femme de manière un peu trop explicite, comme si l'atmosphère post-apocalyptique de ce désastre militaire et environnemental ne se suffisait pas à elle seule. Mais les quelques petites fautes n'effacent en aucun cas la puissance du reste du récit.
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