femmes_en_cage.jpg, juil. 2023
"And they call us the weaker sex."

Derrière cette traduction française de titre pouvant évoquer une série B érotique de Jesús Franco se cache en réalité un étonnant film noir carcéral. On n'est certes pas éloigné de la série B au sens où tout le film évolue dans un espace assez exigu, témoignant de probables restrictions budgétaires, mais Caged constitue malgré tout un excellent exemple de ces bonnes idées bien menées de bout en bout, avec de nombreuses cases intéressantes cochées dans la limite du cadre imposé. C'est quand même notable : on est en 1950, en pleine censure Hays, et John Cromwell parvient à faire émerger cette histoire presque intégralement féminine qui peut se lire comme une charge contre l'institution de la prison états-unienne. Le message est clair : sans politique de suivi des détenu(e)s, sans préservation des bonnes conditions de détention, la plus belle et innocente âme pourra se transformer en un bloc de ressentiment et un forçat endurci à sa sortie.

C'est avant tout un cinéma d'actrices à mes yeux, au-delà du propos sur l'univers carcéral, et entre la jeune femme envoyée en prison pour complicité de vol à main armée (elle attendait tranquillement dans la voiture et son mari a été tué), la matonne cruelle, la directrice grande gueule, et toutes les compagnonnes de cellule, la galerie de personnages n’est pas loin d'être exceptionnelle. Comment ne pas être sidéré par la présence imposante de Hope Emerson dans le rôle de la brute, du haut de ses 1,88 mètres pour une centaine de kilos (une femme qui n'a jamais été mariée et qui n'a jamais eu d'enfant, chose rare au début du XXe siècle) ? Eleanor Parker est quant à elle très convaincante dans le rôle principal, quand bien même la transition entre l'oisillon tombé du nid et la criminelle endurcie se ferait un peu abruptement, tout comme Agnes Moorehead dans les habits de la directrice intègre et respectueuse derrière son caractère très opiniâtre. Beaucoup de seconds rôles sont marquants, avec des actrices au physique si particulier comme par exemple une vieille femme emprisonnée à vie pour meurtres, interprétée par Gertrude Hoffmann, dont le visage et la gestuelle ne peuvent laisser indifférent.

Les mécanismes narratifs ne sont pas très élaborés, et il y a tout de même un côté assez programmatique dans le fait que chaque personne suit sagement son fil conducteur en empruntant un sentier balisé. Le sadisme et les brimades d'une gardienne de prison conduit sans surprise au durcissement ou à l'abrutissement des plus têtues des détenues. La jeune innocente, qui finira tondue, conduite presque mécaniquement à la délinquance en étant au contact de l'injustice et de la maltraitance. Mais cela n'empêche pas le surgissement d'éléments originaux et surprenants, comme la violence du sort de l'héroïne (elle ne reverra jamais son enfant après être devenue veuve au moment d'être emprisonnée) ou de la femme bourreau (un coup de fourchette dont on se souviendra). Globalement l'institution est décrite comme perforée de part en part par des manifestations diverses de corruption, avec quelques bonnes âmes qui essaient de maintenir le bateau à flot sans espoir : à une femme demandant quoi faire du dossier d'une détenue tout juste libérée, on lui rétorque le plus froidement du monde "Keep it active. She'll be back."

img1.jpg, juil. 2023 img2.jpg, juil. 2023 img3.jpg, juil. 2023