interrogatoire.jpg, oct. 2023
Extorsion d'aveux

Entre l'hommage appuyé et la source d'inspiration conséquente, j'avoue ne pas avoir réussi à regarder L'Interrogatoire autrement que comme une variation de L'Aveu de Costa-Gavras qui aurait été transposé dans les années 50 polonaises. Non pas que cela amoindrisse lourdement l'intérêt du film de Ryszard Bugajski, mais disons que la parallèle impose un carcan et une lecture de presque tous les événements à travers ce filtre-là, et constitue à ce titre un léger handicap. Si le cadre des deux films est très similaire, c'est-à-dire une personne emprisonnée en 1951 par un régime pro-stalinien que l'on cherche à briser pour mieux lui faire confesser toutes sortes de choses, le style varie beaucoup en se plaçant du côté d'une chanteuse de cabaret.

Dans le rôle principal, l'actrice polonaise Krystyna Janda est vraiment très convaincante, dans un premier temps totalement ignorante des raisons qui l'ont conduite dans les locaux des services de la sûreté après une représentation, et ensuite prise dans le cycle infernal d'un régime polonais prêt à n'importe quelle forme de coercition pour obtenir des aveux. C'est donc avant tout un film de prison, avec 5 minutes à l'extérieur en introduction et en conclusion. Et dans cet univers carcéral, l'ambiance oscille entre Orwell et Kafka avec la description d'une oppression politique qui évoque sans détour l'époque contemporaine de la sortie du film dans les années 80 — chose pour laquelle le film fut interdit jusqu'en 1989 avec seulement des copies VHS circulant sous le manteau.

L'état mental de cette femme coupée de tout du jour au lendemain, bougée sans cesse de cellule en cellule, prisonnière dans la grisaille, constitue l'un des points forts du film qui n'en finit pas d'instaurer un climat anxiogène efficace. Une toile de fond dans laquelle on peut remarquer la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland, ici actrice. On regrette simplement qu'il n'y ait pas eu davantage de progressivité dans l'évolution de son rapport aux tortionnaires, qui passe très rapidement de la crainte au détachement. De même, la relation qui s'installe entre Tonia et son bourreau dans la dernière partie, avec romance, confidence, aide et autolyse, est un choix assez curieux sur le plan scénaristique, n'aidant pas vraiment à la crédibilité de l'ensemble. Enfin, la structure extrêmement imagée de la naissance d'un enfant en prison qui vient en réponse de l'annonce de la mort de Staline, aurait gagnée à être un peu mieux incorporée dans le tableau.

img1.jpg, oct. 2023 img2.jpg, oct. 2023 img3.jpg, oct. 2023 img4.jpg, oct. 2023