Reptile titille en moi la bonne combinaison de cordes en matière de thriller néo-noir contemporain, et ce qui m'est apparu comme prenant et intense pourra se révéler totalement anecdotique chez toute personne désintéressée dans ce genre typique des 90s. Pire, l'ensemble des défauts prendra probablement le dessus. Pour son premier film, Grant Singer fait preuve d'une maîtrise assez remarquable, avec néanmoins les traces caractéristiques de celui qui veut trop bien faire sur un coup d'essai, et les références me paraissent clairement identifiables (pour le meilleur, me concernant) : Prisoners de Villeneuve, les thrillers de Fincher au tournant des années 1990 / 2000, avec un soupçon de corruption dans les thématiques convoquant tous les films dans la lignée de Copland. Un meurtre, une enquête, et des révélations qui explosent à chaque strate de secret grattée.
Dans le fond il n'y a rien de fondamentalement neuf, mais en un sens le néo-noir a toujours été un registre très codifié il me semble, ne permettant pas de prise de liberté folle. Il arrive un moment dans le film où les différents rouages du récit, autonomes jusque-là, s'emboîtent et forment une certaine cohérence laissant s'échapper la suite des péripéties avec une certaine prévisibilité. Mais même à ce moment-là, le thriller a su tisser son atmosphère pesante et parvient à aligner quelques séquences convenues mais pas moins étouffantes — la convocation du lendemain matin, l'arrestation en pleine nuit par une patrouille sur la route, et quelques autres. Reptile se révèle très habile dans sa capacité à semer des indices et des fausses pistes, en jouant sur des motifs largement connus tout en développant des choses plus originales, sans que l'exercice ne devienne pénible. On choisit d'accorder de l'importance à ces détails, ou pas.
Et il faut avouer que dans mon visionnage, c'est Benicio del Toro le flic qui a bouffé toute l'attention, écrasant allègrement le personnage de Justin Timberlake (très bien dans le rôle, mais un peu faiblard en fils d'une femme à la tête d'un puissant empire immobilier) et celui de Michael Pitt (pourtant particulièrement gratiné, un peu trop à mon goût dans le registre "je suis le voisin destroy, voyez ce super suspect"). Le rapport du protagoniste avec sa femme, Alicia Silverstone, est également bien écrit et pas du tout laissé en marge au-delà du simple fait que cette dernière est liée à l'équipe de son mari constituée d'enquêteurs. Car c'est aussi un film sur un flic dont les frontières vacillent, qui se pose beaucoup de questions sur sa femme, sur son boulot, sur son intégrité. Un flic qui prend conscience de certaines illusions, et qui prend des coups. À ce titre le travail au niveau de l'ambiance sonore pourra déplaire à certains par sa prédominance, mais j'ai personnellement beaucoup aimé l'immersion provoquée et la sensation de malaise occasionnée par certaines dissonances. C'est en réalité à l'image du reste : un peu trop démonstratif par moments, comme beaucoup de premiers films qui veulent laisser une empreinte, mais suffisamment fluide et satisfaisant dans la mise en scène pour produire un portrait désenchanté captivant, sans toutefois prétendre révolutionner le genre.
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