dame_de_tout_le_monde.jpg, nov. 2023
Les raisons de la solitude

L'unique incursion de Max Ophüls dans la production italienne est en grande partie liée à sa volonté d'échapper à la menace nazie de son Allemagne natale (chose un peu étonnante donc, que d'aller se réfugier chez les fascistes, m'enfin bon). Dans le sillon du mélodrame ayant pour figure centrale une femme, c'est vrai que La signora di tutti évoque une sorte d'ascendant de Lola Montès qu'il réalisera presque 20 ans plus tard, l'histoire d'un drame au travers des rencontres d'une vie toute entière. Mais ici, personnellement je n'ai pas ressenti la délicatesse tragique de, par exemple, Letter from an Unknown Woman : au contraire, à part quelques belles fulgurances, la charge sentimentale m'est apparue quelque peu poussive.

Rien à redire au sujet de l'introduction : excellente entrée en matière, avec la discussion entre deux hommes au sujet d'une femme absente, le parcours de l'un d'entre eux à travers un plateau de cinéma pour aller retrouver cette personne, et la découverte du drame, il tombe sur une tentative de suicide. Allongée sur la table opératoire où les chirurgiens vont tenter de la ranimer, à moitié consciente, la descente de l'arrivée de gaz pour l'anesthésie enclenche une série de flashbacks qui constituera l'intégralité du récit — avant une conclusion de quelques instants, de retour au temps présent, pour un final qui, disons, enfonce le clou du tragique. Très belle image cela étant dit de l'impression de l'affiche du film (dans le film) qui s'arrête brutalement, mettant les machines à l'arrêt en même temps que la tragédie se noue.

La construction du personnage dans toutes ses douleurs presque paradoxales est pourtant très belle : elle aborde de front la thématique de la solitude qui peut se cacher derrière le vernis faussement réparateur de la célébrité. Car si Gaby Doriot a tenté de se suicider, c'est bien parce qu'elle aura été privée toute sa vie d'un amour authentique, loin des aventures superficielles et des scandales qui ont rythmé les apparences. Le mélodrame est malgré tout un peu trop chargé à mon goût, le scénario donne l'impression de s'essouffler assez vite et de s'enliser dans les environs de son objectif. On voit poindre un questionnement autour de sa responsabilité dans cette solitude, plusieurs conceptions s'opposent ("elle était victime" contre "elle l'a un peu cherché" pour le résumer brutalement), mais je n'ai pas totalement plongé dans le portrait de cette femme maudite. Isa Miranda est en revanche vraiment incroyable, une cousine italienne de Dietrich et Garbo.

img1.png, nov. 2023 img2.png, nov. 2023 img3.png, nov. 2023 img4.png, nov. 2023 img5.png, nov. 2023