The President's Analyst réalisé par l'inconnu Theodore J. Flicker sort en 1967, c'est-à-dire longtemps avant l'avènement du Nouvel Hollywood dans la décennie 1970 et son cortège de thrillers états-uniens politiques et paranoïaques, et un peu moins longtemps avant la libération culturelle de la toute fin des années 1960. James Coburn incarne un psychanalyste découvrant un jour que l'un de ses clients est en réalité un agent de la CIA (excellent Godfrey Cambridge) et ce dernier souhaite le recruter comme psy du président des États-Unis. Le but est de veiller à sa santé mentale, contre l'avis d'une autre institution fédérale (on peut redécouvrir la gueule inimitable de Walter Burke en John Edgar Hoover, portrait bien gratiné) et le film démarre sans céder à quelque excès que ce soit en nous présentant son nouveau boulot, sa nouvelle maison, ses nouvelles petites habitudes — le président peut le solliciter à n'importe quel moment de la journée : une alarme s'enclenche, il traverse un tunnel interminable, et il arrive directement dans le bureau du POTUS.
Et à un moment, tout déraille. La thérapie tourne à la catastrophe, et le métier rêvé de Coburn tourne au cauchemar, ou plus précisément à la chasse à l'homme : étant en possession de secrets ultra-confidentiels, il se retrouve pourchassé par des hordes d'espions internationaux, et le film de virer à la comédie totalement loufoque, bariolée de motifs paranoïaques et de composantes propres au thriller politique, avec un virage final en direction d'un discours de science-fiction sorti de nulle-part. À partir de là, La Folle mission du docteur Schaeffer versera dans une tonalité complètement barjot, et investit le thème de la satire politique chtarbée, doté d'un ton pop typique des comédies des années 1960, raillant autant les services secrets américains que soviétiques ou encore la communauté hippie.
Une des satires les plus étranges de sa catégorie, autant dans la peinture de la toile de fond américaine qui découle de la fuite du psy pourchassé par des agents du monde entier que dans la diversité des vignettes traversées, tour à tour jeu de de cache-cache au sein d'un groupe de rock psychédélique, séance de psychanalyse improvisée sur un bateau auprès d'un agent soviétique qui découvre son animosité à l'égard d'un père ayant dénoncé sa mère lors des purges staliniennes, et pamphlet du temps de la guerre froide qui passe par une galerie de portraits surréalistes (ma préférence va à la famille de "liberals" aux goûts esthétiques infâmes, armée jusqu'aux dents pour résister aux fanatiques fascistes). Un peu comme une anticipation de The Parallax View quelques années avant, filant tout droit vers un complot d'un genre beaucoup plus burlesque et à la lisière de la SF mais néanmoins sérieux, structuré autour d'une compagnie du téléphone et de ses capacités de surveillance infinie. Un film étrange, absurde, chaotique, inégal, mais doté d’un charme certain.
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Ah c'est sûr ça se cale plus facilement que les 7 heures d'un Napoléon de Gance…
05/11/2024, 23:45
Ô (émoi qui exprime une vive curiosité pour ce potentiel d’étrangeté qui ne dure…
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Les mémoires de Herzog sont dans mon viseur bien entendu... Ils passeront…
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De rien. Mais il va falloir faire un choix ;-) (Ou encore ——->[])
03/11/2024, 00:43
Ah ! Merci pour le rappel de la ref, j'avais bien aimé cette chronique ! :)
02/11/2024, 22:51
Une idée de lecture. Au détour d’une chronique de Laélia Veron sur le procès…
02/11/2024, 22:10