maman_kusters_s-en_va_au_ciel_1.jpg, juin 2022 maman_kusters_s-en_va_au_ciel_2.jpg, juin 2022
"Une vieille femme ne peut-elle pas aussi avoir des souhaits ?"

Je commence à peine à cerner le Fassbinder de cette période, grosso modo les années 1970 particulièrement virulentes et protéiformes dans les critiques de la société allemande. C'est un film que l'on a naturellement envie de placer non loin de Tous les autres s'appellent Ali, et pas uniquement à cause de la présence remarquée de Brigitte Mira, dans des rôles à chaque fois particulièrement bien trouvés, celui d'une mère un peu âgée, symbole de la classe ouvrière défavorisée, au cœur de différentes humiliations.

Dans Maman Küsters s'en va au ciel c'est à la suite du suicide de son mari (après avoir tué un dirigeant de son entreprise) que les ennuis arrivent. Il y aura dans un premier temps la malveillance de la presse à scandale, à des degrés variés d'ignominie et de manipulation — très bon rôle pour Gottfried John également. Puis vient l'attitude assez scandaleuse des enfants, absolument pas solidaires et bienveillants, au contraire plutôt opportunistes surtout à travers le personnage de la fille, chanteuse à la recherche du succès, coûte que coûte. Tous cherchent à éviter d'être publiquement associés à cette sordide affaire du "tueur de l'usine" tout en cherchant à en profiter malgré tout.

Et enfin, après l'article scandaleux publié dans la presse, vient la partie plus ouvertement politique, toujours dans l'exploitation du désarroi de la veuve mais cette fois-ci par différents mouvements, dans un premier temps le parti communiste très embourgeoisé et dans un second temps un groupe anarchiste violent et présenté comme puéril. Fassbinder met les bouchées doubles pour montrer que les moyens présentés comme source de libération peuvent très vite se transformer en autres objets d'aliénation. Les illusions se brisent les unes après les autres pour cette pauvre mère esseulée, et c'est l'occasion de joindre au pamphlet politique une dimension très sensible dans le portrait plein de compassion. Fassbinder déballe les arguments et les contre-arguments dans un style un peu brouillon, confus, mais toujours pertinent et n'épargnant pas grand monde. Une palette de tons en matière d'instruments de domination vraiment saisissante.

img1.jpg, juin 2022