mars_express.jpg, mai 2024
Neo-noir in the shell

Il y a deux façons de regarder ce Mars Express de mon point de vue : l'option "verre à moitié plein", avec tout le soin apporté à la création d'un univers cohérent, détaillé, harmonieux, crédible, sur fond de néo-noir cyber punk, et l'option "blasé et résigné", avec le carcan thématique qui s'impose sur toutes les productions de ce type de SF depuis 50 ans et la pression exercée par la multitude de références qui semblent présider à la conception du film de Jérémie Périn. J'ai personnellement du mal à me positionner mais en tous cas, de manière spontanée, on a envie d'adhérer à un tel travail, somme toute assez rare malgré ses défauts et limitations, témoignant d'un amour et d'un soin tous deux évidents pour le genre exploré. Ce pourra être suffisant dans les bonnes dispositions...

À mon sens le film ne parvient jamais à se défaire des liens qui le contraignent sur le plan des enjeux : c'est un type de science-fiction qui parcourt les thèmes classiques dès lors que les androïdes font partie intégrante de la société, et que ce soit dans les péripéties, les questions morales, ou encore l'héritage culturel, on est toujours en terrain assez connu. Les passerelles, qu'elles se manifestent en tant que clin d'œil (Terminator 2 avec un robot méchant et son bras-lame, le final psychédélique à la 2001, l'Odyssée de l'espace) ou filiation profonde (difficile de ne pas voir des pans entiers de Ghost in the Shell, même si les aspects ayant traits aux questionnements existentiels devenus très classiques restent modérés), sont omniprésentes. Mais il ne me semble pas que ça nuise de manière dramatique au récit, qui parvient à développer son ambiance, son style graphique, et son récit proche futuriste (en l'an 2200) explorant l'organisation de la vie humaine entre la Terre et Mars.

Mars Express trouve un équilibre plutôt bien senti en termes d'explicitation des différentes particularités, l'action baigne dans un arrière-plan garni de détails foisonnants mais l'ensemble est suffisamment intelligible pour ne pas nécessiter des tunnels de dialogues explicatifs (du moins pas systématiquement). L'enquête menée par la détective privée (la voix de Léa Drucker, un choix étrange qui ne s'accepte pas spontanément ; celle d'Usul dans un petit rôle, beaucoup plus) et son partenaire androïde se révèle par touches successives, tout comme le passif des deux protagonistes. Il y a une étudiante en cybernétique qui disparaît mystérieusement, une cité martienne futuriste comme apogée de l'utopie technique libertarienne (avec un personnage qui pourrait être le Musk de demain), mais aussi des points de singularité plus saillants (la gestion des résurrections, les magouilles d'une grande corporation, les fermes à cerveaux) qui s'alignent peu à peu vers le final et ce grand programme de "takeover" unissant la classe des robots. La métaphore du racisme n'est ni originale ni extrêmement percutante, mais elle n'est pas une fin en soi ici et laisse le film évoluer vers sa conclusion en maintenant un niveau d'intérêt vraiment très honorable. Le substrat confectionné par Jérémie Périn était vraiment luxueux et aurait largement pu supporter un développement philosophique / axiologique plus étoffé.

img1.jpg, mai 2024 img2.jpg, mai 2024 img3.jpg, mai 2024 img3bis.jpg, mai 2024 img4.jpg, mai 2024 img5.jpg, mai 2024 img6.jpg, mai 2024 img7.jpg, mai 2024