De la part d'Anthony Asquith on s'attend forcément à quelque chose de raffiné, le côté british distingué début de siècle dernier, si l'on garde en tête des films comme L'Ombre d'un homme, Le Chemin des étoiles, ou encore Winslow contre le roi et en un sens, malgré ses différences notables de genre, Orders to Kill s'insère assez naturellement dans cette veine. Il y a un soin remarquable porté à la description des différents temps de cette mission, pendant la Seconde Guerre mondiale, visant à éliminer un agent double infiltré dans les rangs de la résistance française. L'opération doit être menée par un jeune pilote de bombardier américain, après un passage du côté du Royaume-Uni, et se décompose entre trois grandes parties : la formation, la mission à proprement parler, et un dernier chapitre succinct concernant les conséquences.
Il y a beaucoup de choses surprenantes dans ce film aux contours assez insaisissables : il s'agit autant d'un film (en temps) de guerre qu'un thriller d'infiltration, il avance d'abord comme un film d'espionnage mais la tonalité générale ne correspond absolument pas à cette case, et il revêt dans sa seconde moitié une dimension beaucoup plus psychologique et morale en s'attachant au ressenti du protagoniste, en examinant ses sentiments de doute et de culpabilité. On peut également y voir une critique assez franche, en 1958, du principe même de guerre à travers ses victimes collatérales, comme en témoigne un long monologue de la part d'une femme occupant un rôle central au moment où le héros remet en question la légitimité de sa mission : "Murder? But this is war, war. And in a war the innocent and the guilty get killed together. When you were ordered to drop bombs over France, did you refuse because you might have killed innocent Frenchmen. Or women? Or children like yourself? Or cats? Or are you such a marksman that you can press a button and drop a bomb that will only kill Germans and collaborators? You didn't go whining back to your superior officers saying I couldn't do it, there might have been a man in the marshalling yard who loved his mother."
Petit aparté au sujet d'un drôle de choix de montage : on relève la présence de Lillian Gish dans le rôle de la mère, apparaissant seulement quelques secondes dans un flashback situé en introduction.
On peut regretter la légèreté avec laquelle est traitée toute la première longue phase de formation, tant on a parfois l'impression d'être dans un camp de vacances de scouts. Le scénario justifie assez rapidement le fait que la recrue n'est pas un tueur professionnel, mais quand même, pour assassiner un leader de la résistance qui serait un traître parfaitement infiltré, on a du mal avec les prémices du film qui avance pourtant que (seul) le cœur de l'histoire est basé sur des faits réels... Le soldat ne sait pas ce qu'est un sternum, il apprend à tuer par étranglement comme s'il s'agissait d'un jeu entre amis durant une séquence d'entraînement un peu longuette, et il fait preuve d'une immaturité assez incroyable dans l'exécution de sa mission.
Mais peu à peu, c'est précisément cette incompétence, cette hésitation voire cette maladresse qui le feront sortir d'un chemin tout tracé et qui poseront les bases d'un dilemme moral formant la pierre angulaire des enjeux. Il devient humain en quelque sorte, malgré les remontrances de l'agent local (le personnage de tante Léonie n'y va pas par quatre chemin, c'est même un peu bourrin : "Himmler likes cats. Goering likes pictures. Hitler likes music. Goebbels is a wonderful father. What of it?") et ce sera le début d'un nouveau parcours, le conduisant tout droit vers un final gorgé d'une amertume tenace.
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