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Ennui au Sinaï

Ce n'est pas la première fois que la méthode Wiseman, invariable au cours des décennies, trouve sa limite face à un sujet, un lieu, un environnement un peu trop vaste, pas assez précis. Essene, par exemple, faisait preuve d'une austérité un peu trop extrême. Mais c'est pour moi la première fois qu'un de ses documentaires manifeste aussi peu d'intérêt : difficile de dire s'il s'agit d'un concours de circonstance ou d'un problème plus fondamental dans le choix du sujet, mais le sentiment qui domine rôde clairement du côté de l'ennui.

À l'origine, l'objet d'étude choisi par Frederick Wiseman ne paraît pas être une mauvaise idée : suite à la guerre du Kippour en 1973, un accord prévoit la création d'une zone démilitarisée au Sinaï, à la frontière entre Israël et l'Égypte, contrôlée par l'ONU. Les équipes américaines de la "Sinai Field Mission" constitue ainsi une micro-société dans une veine déjà rencontrée dans la filmographie du documentariste, à commencer par son film précédent Canal Zone qui était dédié à la vie quotidienne des Américains de la zone du canal de Panama. Et de vie quotidienne il est également question ici, dans toute la banalité de l'expression, car c'est bien simple il ne se passe quasiment rien en l'espace de deux heures. Je ne sais pas si c'était un hasard, mais la plus grande péripétie du film a trait à l'évacuation d'un blessé, qui prend au sein de cette morne chronique la dimension d'un déclenchement de guerre mondiale... Tout le reste n'est que discussions insignifiantes (hormis peut-être la réunion introductive qui nous permet de comprendre les enjeux de cette mission et de cette zone tampon, ainsi que la coïncidence qui fait résonner ce récit avec notre triste actualité), incidents mineurs, querelles de voisinage, et bien trop longue description de la vie communautaire à l'intérieur de la base (sport, cuisine, télé, bière, et j'en passe).

Autant dire qu'on s'ennuie ferme avec Sinai Field Mission, même si Wiseman reprend des thèmes intéressants déjà abordés (la reproduction en microcosme de la société américaine à l'autre bout de la planète dès lors qu'un groupe est formé) et même si cet environnement, la péninsule du Sinaï, constitue par nature un terrain et un paysage originaux. Mais filmer l'ennui ne lui aura pas réussi. Dans le registre militaire, Basic Training était tout de même infiniment plus resserré et engageant.

img1.jpg, oct. 2023 img2.jpg, oct. 2023 img3.jpg, oct. 2023 img4.jpg, oct. 2023