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Concours de fauconnerie et étalage de richesses au milieu du désert

Aparté n°1 : premier film au format long de la part de Yuri Ancarani que je vois, le plus récent également, et très clairement il n'arrive pas à égaler ses brillants courts documentaires que sont Da Vinci (un système d’opération chirurgicale fonctionnant avec des bras robotisés) ou encore Il Capo (un conducteur de travaux commande les engins dans une carrière de marbre), ainsi que Piattaforma Luna (un univers sous-marin qui pourrait être le décor d'un film de science-fiction de Kubrick) dans une moindre mesure.

Aparté n°2 : après les caméras embarquées aux cous des chiens lancés dans la forêt à la recherche du champignon précieux dans Chasseurs de truffes, voilà les caméras fixées sur la tête de faucons en plein vol. On se demande pourquoi personne n'y avait pensé avant, c'est impressionnant.

Les travaux de Yuri Ancarani sont toujours absorbants, et à ce titre passionnants, tant ils parviennent à donner en seulement quelques plans un aperçu éloquent d'un microcosme précis, avec des cadres tranchants et une photographie soignée à l'extrême. Le format court permettait de rester scotché pendant quelques dizaines de minutes, le souffle coupé, ébahi par la beauté graphique et technique de ce qu'on nous montrait, et à mon sens le passage au documentaire de 70 minutes est en partie responsable de la réussite légèrement inférieure de The Challenge, consacré à la passion pour la fauconnerie chez les ultra-riches qataris. Le film regorge de visions proprement surréalistes et vaut le détour de manière inconditionnelle, c'est une certitude : ne serait-ce que pour les scènes montrant ces gens au volant de grosses Lamborghini dans le désert avec une guéparde en laisse sur le siège passager, ou encore dans leur jet privé réaménagé avec de nombreux perchoirs pour rapaces afin de pouvoir voyager avec leurs plus beaux spécimens.

Ancarani donne toutefois un peu l'impression de se disperser devant la quantité et la diversité des choses étranges à documenter, et même si le rapport aux faucons reste l'élément central de son documentaire avec un concours totalement lunaire organisé en plein désert pour point de chute, on navigue de manière un peu trop chaotique entre divers sujets, tous liés à cette opulence singulière. Ainsi voit-on défiler des panoramas arabes magnifiquement filmés mettant en scène, sans le moindre élément contextuel, un panel exclusivement composé d'hommes blindés jusqu'à l'ostentation faire mumuse avec leurs grosses voitures et leurs énormes SUVs tunés qu'ils lancent inlassablement contre les dunes. L'observation de ce milieu aristocratique est réduite à quelques aspects, très intéressants au demeurant lorsqu'on est ignorant de ce mode de vie, et la captation est effectuée dans le plus grand des respects. C'est la dimension prestigieuse de l'art de la fauconnerie qui est invariablement mis en exergue, avec le dressage, les enchères (compter 25 000 dollars pour un bel oiseau), la chasse de pigeons lâchés au bon endroit, ainsi que la taxidermie. L'occasion de découvrir certaines dimensions périphériques insoupçonnées, comme ces hommes exhibant leurs magnifiques motos plaquées or. Ancarani perd dans The Challenge une certaine précision dans la captation concise d'un geste, il me semble, il se fait même parfois un peu trop long et presque ennuyeux, mais disons qu'il regagne par derrière un certain intérêt a minima avec ces vues ornithologiques de faucons chassant le pigeon plus palpitantes que n'importe quelle scène d'action de Top Gun.

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