"I'm not ashamed. Adam and Eve were naked in the Garden of Eden, weren't they? When they sinned, they put on clothes."

Curieuse plongée dans les États-Unis puritains des années 50, dans les coulisses de la création des magazines de pin-ups option bondage. Rien qui ne soit particulièrement choquant (pour le dire autrement : on est à des années-lumière de ça : Graphic Sexual Horror) lorsqu'on visionne ce biopic sur Bettie Page (dont j'ignorais tout) depuis notre XXIe siècle, mais The Notorious Bettie Page joue beaucoup sur le contraste entre les interdits publics de la société américaine d'alors et l'envers du décor — partagé ici entre une adolescence extrêmement glauque pour la protagoniste et des séances de shooting photo particulièrement décomplexées.

Mary Harron fait preuve d'un sens du détail plutôt agréable dans la reconstitution de l'atmosphère pop 1950s, avec des variations de textures très intrigantes, à commencer par (un peu) le noir et blanc adopté pour la majeure partie du film mais aussi (voire surtout) au travers des inserts, tantôt en couleur et mis en scène en imitation super 8, tantôt en stock-shots documentaires, granuleux à souhait. Le côté old school de la production s'étend à la bande originale, avec de nombreuses artistes comme Peggy Lee pour alimenter l'ambiance rétro. Il a été reproché à Harron de se focaliser sur une partie de la vie de Bettie Page, omettant son coming-out religieux tardif, mais ces ingrédients sont néanmoins bien présents dans tout le parcours du modèle — même si on peut supposer que tous les aspects trop rugueux ont été lissés.

En fait c'est l'interprétation de Gretchen Mol qui emporte l'adhésion (avec un cortège de seconds rôles féminins parmi lesquels Lili Taylor et Sarah Paulson), incarnation surprenante de la naïveté absolue de la pin-up (on peut comprendre en ce sens ses déclarations pour assumer son travail : "I'm not ashamed. Adam and Eve were naked in the Garden of Eden, weren't they? When they sinned, they put on clothes") qui s'amuse beaucoup avec ces photos coquines, ayant parfaitement dépassé les troubles psychologiques liés à son enfance (pas très gaie niveau abus sexuels). Son personnage est un peu creux, au sens où on ne perçoit pas bien si elle réalise l'ampleur des fantasmes qu'elle suscite, si elle est en totale maîtrise de son image ou bien si elle s'en fout royalement — ce pourrait tout aussi bien être un intérêt majeur du film, malgré tout. Elle interprète quoi qu'il en soit le grand-écart entre gentille fille des contrées rurales et religieuses de Nashville et objet de désir qui s'achetait sur papier glacé sous le manteau avec une certaine dextérité. Et avec cette certitude naturelle de ne jamais être salie par les regards vicieux.