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De la transformation des œufs en gratteurs de cul

Nouvelle exploration du patrimoine cinématographique comique et loufoque de Suède, après le déjanté L'Homme qui a renoncé au tabac de Tage Danielsson (1972) : Les Œufs de la brouille réalisé par Hans Alfredson en 1975, dans lequel l'acteur Gösta Ekman (toujours autant sosie suédois non-officiel de Martin Freeman) reprend du service mais cette fois-ci dans le rôle du fils de Max von Sydow, un patriarche tyrannique exerçant son autorité détestable autant à l'usine qu'au sein du foyer. C'est un film puissamment baroque, qui ne ressemble à vraiment pas grand-chose d'autre, brassant différents registres à l'aide de plusieurs tonalités, tantôt humour noir tantôt fable survivaliste ou post-apocalyptique, et tellement hétéroclite dans ses ambiances qu'on pourrait y percevoir une juxtaposition de trois courts-métrages.

Le premier temps est consacré à la familiarisation avec cette famille complètement dysfonctionnelle, mère soumise, fils aux ordres, et le patriarche aux commandes d'une usine pour le moins singulière : on y élève des poules à l'échelle industrielle afin de récupérer des œufs pour transformer ces derniers en un objet particulier que l'on pourrait appeler "gratteur de cul" et baptisé Nixitch. Du grand n'importe quoi surréaliste et crypto-anticapitaliste.
Puis le deuxième bascule dans un autre degré de surréalisme, suite à la tentative de rébellion du fils, au bout du rouleau et rincé par les humiliations quotidiennes du père, de l'assassiner — pas de chance, il portait une sorte d'armure, et il surprend mère et fils en pleine exemplification du complexe d'Œdipe. La leçon sera extrême : le père balance le fils dans un étang et il y passera grosso modo un an, bloqué là, les pieds coincés au fond, la tête dépassant à peine de l'eau. Un long moment sera consacré à ce passage complètement foutraque, consacré à l'observation de sa survie : manger des poissons, filtrer l'eau avec des algues façon baleine et plancton, faire la connaissance d'une anguille, finir étranglé par la glace du lac gelé... Bref, une nouvelle couche de n'importe quoi.
Finalement, la satire prend encore une troisième tournure lorsqu’il parvient à s'extraire de l'eau : on découvre une société post-apo complètement laminée par le manque de nourriture (en lien avec l'industrie du père et la disparition des poules et des œufs), et Hans Alfredson conclura l'affaire par une énième pirouette excentrique à tendance anarchiste.

Film de vengeance, comédie musicale, conte de fées surréaliste, satire sociale : la bizarrerie suinte de tous les pores et brille par le sérieux de von Sydow en dirigeant d'une société fabricant les fameux Nixitch.

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