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Silence et conscience

En matière de film de prison, Damiano Damiani ne révolutionne pas le genre avec Nous sommes tous en liberté provisoire, mais il arrive à mêler habilement les codes propres à ce segment avec les thématiques qu'il affectionne et que l'on retrouve régulièrement dans ses films. Aussi derrière cette situation où un architecte se retrouve emprisonné pour homicide involontaire, soupçonné d'avoir renversé quelqu'un en voiture, et où il y découvre toutes les horreurs auxquelles on peut s'attendre (et ce indépendamment de la belle image que le directeur entretient et propage dans son cercle), on voit bien sûr la portée toute autre du film. La corruption, la loi du silence, l'opportunisme guidé par les intérêts personnels... tous ces maux ne gangrènent évidemment pas que les murs des prisons et ne concernent pas uniquement les pires meurtriers parmi les détenus.

Mais on reste tout de même dans le cadre strict d'un film de prison, et Damiani ne se gêne pas pour nous le faire sentir. La progression du protagoniste interprété par Franco Nero (toujours aussi excellent, dans la lignée de Confession d'un commissaire de police au procureur de la république ou Comment tuer un juge) est bien rythmée, on parcourt les différentes strates du pénitencier sans se presser, histoire de visiter tous les recoins de ce lieu abominable. Et bien sûr, corruption oblige, il n'y a pas que du côté des bagnards que le vice rampe... Ce qui donnera lieu à une scène d'assassinat maquillé en suicide d'une tension vraiment insoutenable. On passe beaucoup de temps à voir comment la condition de privilégié de Nero, du moins à l'extérieur de la prison, lui permet de s'octroyer quelques arrangements et quelques plaisirs (la fameuse salle de rayon X, gérée par un docteur tout aussi verni, seul endroit où communiquent les ailes masculine et féminine de la prison), mais aussi ses limites, car même en prison, l'argent facilite beaucoup de choses mais ne peut pas tout.

Quelques notes humoristiques, comme l'arrivée de Nero dans le bureau du directeur au tout début qui le confond avec un meurtrier condamné à 30 ans de réclusion — la gueule de Nero à ce moment, collector, pour nous faire comprendre qu'il n'y aura pas de distinction entre les différents crimes en ces murs, pas plus qu'entre un coupable et un présumé innocent. Damiani montre bien le positionnement du protagoniste selon plusieurs échelles de pouvoirs, le pouvoir économique, le pouvoir politique, et le pouvoir bassement physique : de quoi lui ménager quelques zones de confort, mais certainement pas un repos absolu. Et finalement le film laisse ouverte les raisons de sa libération, possiblement liée à son mutisme concernant un crime commis en prison : en tous cas, les limites de son honnêteté sont clairement exposées lorsqu'on le voit refuser de parler à la fille d'un homme assassiné, dont il connaît pourtant parfaitement les circonstances de la mort en prison

imf1.jpg, sept. 2023 img2.jpg, sept. 2023 img3.jpg, sept. 2023 img4.jpg, sept. 2023