mercredi 29 novembre 2023

Lenny, de Bob Fosse (1974)

lenny.jpg, nov. 2023
"Good thing we nailed him."

Impossible de ne pas penser à l'autre célèbre film américain racontant les pérégrinations d'un comique subversif largement incompris en son temps qui acquit une notoriété conséquente à la fin de sa vie : Man on the Moon, de Miloš Forman, consacrée à la vie d'Andy Kaufman. J'avais jugé sans doute un peu trop vite Bob Fosse sur la base d'un Cabaret englué dans la fadeur d'une comédie dramatique arborant un académisme ronflant (avis extrêmement minoritaire, les tomates pourries sont juste-là), car il montre une facette radicalement différente avec ce biopic sur Lenny Bruce, un comique très controversé des années 60. Du bienfait du surpassement des préjugés...

En réalité, même si les thèmes des deux films cités sont très proches, la structure et le contenu diffèrent sensiblement. Là où Forman narrait tout le contexte, la vie en marge des numéros de Kaufman pour illustrer à quel point les deux se nourrissaient mutuellement, Fosse adopte une narration en flashbacks post-mortem, avec une mise en scène sous la forme d'un faux documentaire interviewant une poignée de proches (sa femme, sa mère, et son manager) pour tisser des passerelles avec des épisodes passés montés de manière pas toujours chronologiques, Lenny s'autorisant quelques allers-retours entre plusieurs époques.

Le contexte est même sans doute un peu plus fertile ici : le cadre posé est celui de l'Amérique puritaine du début des années 1960, c'est-à-dire les 50s encore mal dégrossies qui pèsent de tout leur poids sur la norme morale d'alors — qui n'a pas fondamentalement changé depuis, en ce qui concerne les mécanismes de l'hypocrisie en matière d'obscénités admissibles à la télévision en direct— et qui interdisent l'utilisation de mots comme "cocksucking" sous peine de poursuites pénales. L'occasion de scènes très drôles d'ailleurs, lorsque d'une part Lenny essaie de faire dire le mot interdit au président du tribunal en première instance, et d'autre part lorsque les témoins se trouvent obligés de les prononcer pour faire leur récit des événements (avec en prime une répétition par le greffier). En creux, le film de Bob Fosse entend montrer à quel point l'attention se sera portée sur la forme, le recours à des termes grossiers, tout en oubliant largement le fond des critiques portées par les discours très satiriques de Lenny.

Lenny est rythmé par les punchlines, sans doute un peu trop même si on peut allègrement puiser dans les dialogues pour trouver son bonheur (une facile mais efficace, au sujet de la religion chrétienne et de la responsabilité de la mort de Jésus "Good thing we nailed him when we did, because if we had done it within the last 50 years, we'd have to contend with generations of parochial schoolkids with little electric chairs hanging around their necks"). Y figurent le Dustin Hoffman des grands jours, c'est-à-dire plutôt celui de The Graduate que celui de Tootsie, ainsi que la très convaincante Valerie Perrine dans le rôle de sa femme strip-teaseuse, à l'origine d'un matériau conséquent en matière d'analyse du couple, de la jalousie, et de l'émancipation à deux. C'est un film intéressant aussi parce qu'il n'hésite pas un instant à montrer les contradictions à l'œuvre qui sous-tendent tous ses numéros, et qui ose mettre en scène un long show raté de Lenny en intégralité, vers la fin de sa carrière, avant sa mort par overdose de morphine. Évocation d'une figure de la contre-culture qui pourrait être à l'origine du stand-up, qui se fait parfois un peu trop poussive dans ses logorrhées acides répétées, mais qui évite soigneusement les écueils classiques de l'hagiographie pour esquisser un portrait partiel, pluriel, féroce et stimulant.

img1.jpg, nov. 2023 img2.jpg, nov. 2023 img3.jpg, nov. 2023 img4.jpg, nov. 2023

mardi 28 novembre 2023

Le Serment rompu (破戒, Hakai), de Kon Ichikawa (1962)

serment_rompu_A.jpg, nov. 2023

Dilemme des burakumin C'est probablement le film de Kon Ichikawa dans lequel les vannes du mélodrame sont le plus grandement ouvertes, loin devant l'histoire d'un acteur de kabuki dans La Vengeance d'un acteur ou celle de la tyrannie d'une famille à travers les décennies développée dans Le Fils de  […]

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lundi 27 novembre 2023

Les Poupées du diable (The Devil-Doll), de Tod Browning (1936)

poupees_du_diable.jpg, nov. 2023

"If most men were reduced to the dimensions of their mentality, Marcel's plan wouldn't be necessary." C'est vraiment de l'ordre de la réaction chimique me concernant : il y a dans les films de Tod Browning un mélange d'ingrédients, de thématiques et d'atmosphères qui produit un précipité  […]

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dimanche 26 novembre 2023

Aboogi, de Imarhan (2022)

aboogi.jpg, oct. 2023

Le dernier album du groupe algérien Imarhan, découvert au hasard des pérégrinations dans les lives de KEXP (c'est par ici), m'a donné l'occasion de réécouter et réévaluer tous leurs albums. On avait déjà eu l'occasion d'évoquer ici le premier album qui porte leur nom ici. Il se dégage quelque chose  […]

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samedi 25 novembre 2023

Fingernails, de Christos Nikou (2023)

fingernails.jpg, nov. 2023

"Sometimes being in love is lonelier than being alone." La science-fiction d'anticipation et la romance font régulièrement bon ménage, et leur association forme dans mon imaginaire une petite constellation agréable avec parmi les réussites des films comme Eternal Sunshine of the Spotless  […]

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vendredi 24 novembre 2023

Manœuvre, de Frederick Wiseman (1979)

manoeuvre.jpg, nov. 2023

Travaux pratiques C'est la troisième incursion documentaire de Frederick Wiseman dans le corps militaire : il y a eu la formation à la guerre et l'inculcation d'une supériorité morale et physique dans Basic Training, il y a eu des GIs se faisant chier comme des rats morts dans une zone  […]

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jeudi 23 novembre 2023

Le Pavillon d'or (炎上, Enjō), de Kon Ichikawa (1958)

pavillon_d-or.jpg, nov. 2023

Brûle ce que tu as adoré Quand Kon Ichikawa adapte un récit de Yukio Mishima (lui-même inspiré d'un événement survenu en 1950), le résultat tranche assez fortement dans le ton par rapport à ce qu'on peut connaître par ailleurs, que ce soit les films en temps de guerre (Feux dans la plaine 1959, La  […]

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mercredi 22 novembre 2023

Héros ou Salopards (Breaker Morant), de Bruce Beresford (1980)

heros ou salopards

« And a man's foes shall be those of his own household » Premier visionnage : 01/02/2016. Héros ou salopards (titre auquel on préfèrera sans doute le plus sobre Breaker Morant, du nom de son personnage principal) est un film plutôt rafraîchissant dans le paysage cinématographique mondial, et ce  […]

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